Jacques Bihozagara est le premier ambassadeur rwandais en France depuis cinq ans. La réouverte de l’ambassade coïncide avec le réchauffement des relations entre Paris et Kigali.
L’ambassade du Rwanda à Paris vient de rouvrir ses portes et Jacques Bohozagara de prendre son poste de premier ambassadeur rwandais en France depuis cinq ans. Alors qu’un retour à la normale s’amorce dans les relations entre Paris et Kigali, les Rwandais de France ont à nouveau un interlocuteur direct. Interview.
Afrik : Est-ce à cause des tensions nées du génocide de 1994 entre la France et le Rwanda que l’ambassade était fermée ?
Jacques Bihozagara : Non, l’ambassade n’a été fermée officiellement qu’en juillet 2000. Nous l’avons fermée pour raisons économiques, comme nous avons d’ailleurs fermé dix autres ambassades de par le monde. Au Canada, en Libye, en Egypte, en Israël… Après celle de Paris, nous espérons bien en rouvrir d’autres.
Afrik : Mais cette réouverture est-elle un tournant dans l’amélioration des relations entre les deux pays ?
Jacques Bihozagara : Disons qu’elle coïncide avec la volonté de la France et du Rwanda d’entretenir de bonnes relations. La visite du ministre des Affaires étrangères français, Hubert Védrine, le 14 août dernier à Kigali était un signe fort. Là-bas il s’est entretenu avec le président rwandais et la situation est à présent plus claire et plus agréable.
Afrik : Le Rwanda cherche-t-il à se rapprocher de la France parce que ses relations avec l’Ouganda (son allié) et la nouvelle administration américaine ne sont pas très bonnes en ce moment ?
Jacques Bihozagara : Nous avons toujours voulu avoir de bonnes relations avec tout le monde ! Après 1994, nos relations se sont rapidement réchauffées avec la Belgique alors qu’elles étaient au plus mal. Nous n’avons pas de problèmes particuliers avec d’autres pays. Nous dénonçons toujours le manque de solidarité de la communauté internationale dans son ensemble lors du génocide mais cela ne nous empêche pas d’entretenir de bonnes relations avec nos partenaires.
Afrik : Quand avez-vous commencé à travailler réellement à Paris ?
Jacques Bihozagara : Je suis arrivé à Paris le 26 septembre dernier et je ne suis pas encore tout à fait installé. L’ambassade n’était pas fermée totalement, il restait une permanence mais l’activité était quasi inexistante. Il faut la remettre en route et recommencer de zéro. Mon travail n’a véritablement commencé que le 23 octobre lorsque j’ai remis mes lettres de créances au Président Jacques Chirac.
Afrik : Comment a réagi la population rwandaise de France à l’annonce de la réouverture de l’ambassade ?
Jacques Bihozagara : La Communauté rwandaise de France – l’association des Rwandais de France – m’a accueilli le samedi 27 septembre. Les gens sont très contents de cette réouverture et de ma présence en tant qu’ambassadeur.
Afrik : Comment les Rwandais obtenaient-ils leurs papiers lorsque l’ambassade était fermée ?
Jacques Bihozagara : J’ai été pendant deux ans ambassadeur à Bruxelles. C’est de là que nous délivrions les visas. Les formulaires étaient remplis à Paris puis envoyés par porteur une fois par semaine en Belgique. Cela ne posait pas beaucoup de problèmes, c’était juste un peu long.
Afrik : Dernier point, le Rwanda va-t-il se retirer de la République Démocratique du Congo ?
Jacques Bihozagara : Oui, comme d’autres nations, dans le cadre des accords de Lusaka et en parallèle au dialogue inter-congolais et au désarmement des forces négatives. Le Rwanda a déjà montré sa bonne foi : nous nous sommes retirés sur plus de 200 km et nous avons rapatrié un grand nombre de nos soldats.