Le ministre de la Justice rwandais a jugé sans fondement, mardi, les allégations françaises sur la « participation présumée » du président à l’attentat sur l’avion de l’ancien président Habyarimana. Cette annonce fait suite à la recommandation du juge Jean-Louis Bruguière, vendredi, de poursuivre Paul Kagamé devant le Tribunal pénal international. Toujours à la demande du magistrat, la France devrait bientôt lancer neuf mandats contre des proches du chef de l’Etat rwandais.
Le Rwanda a vivement rejeté, mardi, la recommandation du juge Jean-Louis Bruguière de poursuivre le président Paul Kagamé devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, habilité à juger un chef d’Etat en exercice. Le juge français souhaite demander au Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan d’éventuellement envisager des poursuites contre Paul Kagamé pour « participation présumée » à l’attentat sur l’avion de l’ancien président Habyarimana. Le magistrat estime que le chef de l’Etat tutsi a peut-être joué un rôle dans l’attentat aérien du 6 avril 1994, dans lequel son prédécesseur hutu, Juvénal Habyarimana, a été tué. Un attentat qui a lancé le départ officiel du génocide des Tutsis par les Hutus et fait 800 000 morts, entre avril et juillet 1994.
« Paul Kagame, avec les membres de son état-major, avait, après les accords d’Arusha d’août 1993, conçu cette opération qu’il devait soigneusement planifier », souligne le juge Bruguière, qui a ouvert une enquête en mars 1998 parce que des Français ont péri lors de l’attaque. Il ajoute que les Forces armées rwandaises (Far) ne disposaient pas de missiles SAM 14 et SAM 16, utilisés lors de l’attentat contre l’avion présidentiel, contrairement, selon lui, à l’Armée patriotique rwandaise, bras armé du Front patriotique rwandais (au pouvoir).
Neuf proches de Kagamé dans le viseur français
Kigali a réagi ce mardi, par la voix du ministre de la Justice. « Ces allégations sont totalement infondées. Le juge agit sur la base de ragots et rumeurs. (…) Ce sont des jeux politiques plutôt qu’une procédure judiciaire », a indiqué à la presse Tharcisse Karugarama. Le responsable a également précisé que son pays ne se laisserait pas entraîner dans « une mauvaise situation où nous devrions aussi engager des jeux similaires en inculpant [le président français Jacques] Chirac ou d’autres hauts responsables français ».
Le parquet français a, par ailleurs, requis, lundi soir, à la demande du juge Bruguière, l’émission de mandats d’arrêts internationaux contre neuf proches du président rwandais. Parmi eux : des fonctionnaires rwandais, l’actuel ambassadeur du Rwanda en Inde et des militaires, dont le général James Kabarébé (ou Kabare) et le colonel Charles Kayonga, respectivement d’Etat-major général des Forces rwandaises de défense et chef d’état-major de l’armée de terre. Ces mandats, que signera prochainement le juge Bruguière, équivaudront à une mise en examen pour « assassinats » et les personnes citées seront donc interdites de voyage.
Erratum : une erreur s’est glissée dans la première édition de cet article. Nous avions indiqué que le juge Bruguière recommandait de poursuivre le président rwandais Paul Kagamé pour « participation présumée » au génocide de 1994, alors qu’il s’agissait d’une recommandation concernant l’attentat sur l’avion de l’ex-président Juvénal Habyarimana. Veuillez nous excuser pour cette erreur.