Le Rwanda a promulgué, mercredi dernier, le projet de loi abolissant la peine de mort. Cette nouvelle disposition permettra au Tribunal pénal international pour le Rwanda et aux pays opposés à la peine capitale de transférer au Rwanda les participants présumés au génocide de 1994 pour qu’ils y soient jugés.
La peine de mort n’existe plus au Rwanda. Le projet de loi mettant fin à la peine capitale pour tous les crimes, y compris ceux de génocide, a été promulgué mercredi, après avoir été voté fin juin par l’Assemblée nationale et le 11 juillet par le Sénat. Le Pays des mille collines devient ainsi le 14e pays africain à interdire la peine capitale, qu’il n’avait plus appliquée depuis 1998. Cette nouvelle signifie que le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), basé à Arusha (Tanzanie), et les pays opposés à la peine de mort pourront transférer les génocidaires présumés dans le petit Etat d’Afrique Centrale.
Le TPIR soulagé
« Nous sommes évidemment ravis de cet aboutissement. Le Rwanda a aboli la peine de mort sous la pression internationale parce que cela lui permettait de juger de grands criminels qui sont au tribunal d’Arusha ou dans les autres pays du monde – et notamment la France. Cette décision ouvre la voie vers un nouveau système de pression que nous pourrons utiliser dans d’autres situations », constate avec satisfaction Emmanuel Maistre, directeur de l’ONG française Ensemble contre la peine de mort (ECPM).
Si ECPM est ravi, le TPIR est, lui, certainement soulagé. Son mandat s’achève en 2008 et elle risque fort de n’avoir pas traité tous les dossiers. « C’est pour cela que la pression était aussi forte. S’il n’y avait pas eu l’abolition, cela aurait posé de sérieux problèmes. Mais comme le texte a été voté, il y aura moins de freins à l’extradition » de présumés génocidaires, explique Emmanuel Maistre. Et de souligner qu’« il était temps d’abolir car il y avait une justice à trois vitesses : internationale, nationale et populaire, avec les tribunaux gacacas. Désormais, tous les suspects pourront être jugés au Rwanda, ce qui égalise et légalise le système judiciaire » du pays.
Abolir, mais…
Les Nations Unies ont salué, vendredi, le passage de la loi du Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir), l’ex-rebellion qui a mis fin aux massacres de 1994. La veille, la présidence portugaise de l’Union Européenne s’était réjouie au nom des 27 de ce « progrès fondamental dans la promotion des droits de l’Homme », espérant que « cette décision encouragera d’autres pays de la région à faire de même ». Mais, au Rwanda, la nouvelle n’a pas ravi tout le monde.
En témoigne la mission d’enquête dans les couloirs de la mort de la prison de Mpanga qu’ECPM a menée l’an passé en partenariat avec le Collectif des ligues et associations de défense des droits de l’homme au Rwanda (Cladho). « Maela Bégot (l’auteure du rapport, ndlr) a rencontré un certain nombre de personnes importantes de la société civile qui lui ont expliqué que le fait de militer pour l’abolition pouvait laisser penser que l’on prend la défense des génocidaires. C’est comme avec l’incarcération des génocidaires présumés à Arusha : les rescapés estimaient que leur conditions de détention étaient bien meilleures que celles dans les prisons rwandaises », précise Emmanuel Maistre.
Silas Simyigaya, secrétaire exécutif du Cladho, rapporte le même malaise : « Il y a eu beaucoup de campagnes de sensibilisation des ONG et beaucoup de débats à l’initiative du ministre de la Justice. Tout le monde s’attendait au passage de la loi, mais il y avait des gens qui trouvaient que c’était trop clément. Lors de la dernière campagne de sensibilisation du ministre de la Justice, un certain nombre de rescapés étaient contre l’abolition, d’autres posaient des conditions. Il voulaient abolir mais pas pour les crimes de génocide ». Avec le processus de réconciliation et la vague abolitionniste à travers le monde, souligne Silas Simyigaya, c’est finalement l’intérêt général qui a primé.