Il aura parcouru plus de 2370 kilomètres pour espérer trouver l’eldorado au Sénégal. Son nom, Harona Aboubacar, un Nigérien d’une trentaine d’années, devenu tailleur ambulant dans la région de Thiès (70 km de Dakar). Afrik.com l’a rencontré.
Cela, fait une année que le jeune Harona Aboubacar parcourt les artères de la ville de Thiès, sa machine à coudre à l’épaule. Les bruits de ciseaux alertent de son passage dans les ruelles de la « Ville aux deux gares », située à 70 kilomètres de Thiès. Le jeune Nigérien se charge de rafistoler les vieux habits ou de recoudre les vêtements déchirés moyennant des sommes modiques. En effet, ses tarifs varient entre 100 FCFA et 1000, selon l’ampleur des dégâts sur l’habit à recoudre. Si ce ne sont pas rideaux neufs à redimensionner.
En venant au Sénégal, le jeune Nigérien n’avait pas de visée particulière sur un secteur d’activité donné. « J’étais venu juste pour gagner ma vie, après avoir tenté de m’en sortir au pays. Mais au Niger, c’était très difficile de trouver du travail et aider mes parents », confie celui qui est originaire du village de Wazou, dans la région de Tahoua. Pourtant, Harona Aboubacar avait commencé à fréquenter l’école française dans son pays. Seulement, il a été obligé de s’arrêter en classe de 4ème alors qu’il était au collège.
« Pas trop de différence entre Nigériens et Sénégalais »
Pour aider ses parents restés au village, il n’avait pas d’autre choix que de migrer vers un pays ouest-africain. A ses yeux, le Sénégal était le pays le plus indiqué pour espérer s’en sortir. Pays qu’il a rejoint par la route. « Le chemin a été très long. Il fallait d’abord passer par le Burkina Faso, ensuite le Mali avant de rallier le Sénégal. Il a fallu plus d’une semaine de route pour faire ce long trajet », se souvient le jeune homme. Aujourd’hui, le trentenaire se sent comme chez lui au Sénégal.
Depuis un an qu’il est dans ce pays, il a appris à connaitre les gens. « Pas trop de différence entre Nigériens et Sénégalais. Ils sont accueillants et connaissent l’hospitalité. C’est seulement la langue locale qui différencie les deux peuples. Au Niger, la langue la plus parlée est le haoussa. Cette langue très répandue est ce que le wolof est au Sénégal », confie Harona Aboubacar, avec petit sourire au coin. A son arrivée au Sénégal, le jeune homme a travaillé dans un atelier de tailleur avant de songer à voler de ses propres ailes.
« Mettre sur pied un grand atelier de couture »
« J’ai fait un mois dans un atelier de tailleur, à Hersent (un quartier de Thiès). Après quoi, je me suis mis à mon propre compte, après avoir acheté une machine à coudre manuelle », confie le jeune tailleur ambulant. Sur sa machine, sont accrochées de petites bobines de fil de couleurs différentes, des fermetures et une paire de ciseaux. Le matériel nécessaire pour faire le job. Un travail qu’il compte mieux rentabiliser un jour, lorsqu’il retournera dans son pays.
« Le jour où j’aurais assez d’économie, je compte rentrer au Niger et mettre sur pied un grand atelier de couture », confie Harona Aboubacar, le visage rêveur. Pendant quelques secondes, il avait sans doute effectué le voyage jusqu’au Niger. Certainement, dans sa tête, il voyait déjà l’emplacement où il ouvrira son atelier professionnel, un jour. Un retour qui sera programmé lorsque son pays retrouvera une certaine stabilité, suite au coup d’État du 26 juillet ayant emporté le Président Mohamed Bazoum.
Aider les parents restés au Niger
« Encore deux ans à passer au Sénégal avant de penser quitter et rentrer pour mettre en place mon entreprise », confie celui dont le pays qui vient d’ailleurs de quitter la CEDEAO. Un départ que le jeune tailleur ambulant dit ne pas vivre. En réalité, confie-t-il, rien n’aura changé dans sa vie. « Cela ne change rien en mon quotidien. Que le Niger reste ou quitte la CEDEAO, je me concentre sur mon travail et tente de gagner ma vie. C’est le plus important pour moi », confie le tailleur ambulant qui commence à s’exprimer en wolof.
Le regret de Harouna Aboubacar, c’est de ne pas avoir fait des études plus poussées. « J’aurai vraiment voulu poursuivre mes études afin d’espérer décrocher, un jour, un travail qui me permettrait de vivre à l’aise en plus d’aider mes parents restés au pays ». Toutefois, il se réjouit d’exercer ce métier lui permettant de subvenir à ses besoins. Même si parfois, il rencontre des difficultés avec des jours sans le moindre revenu. « Mes recettes journalières varient entre 0 et 5000 FCFA, parfois plus. Mais je fais avec, en tentant de bien gérer mes revenus», confie-t-il.