Au coeur de » L’Ile Afrique » de Ramon Lobo, les destins se tissent, s’épicent et s’éteignent. Réflexion sur l’amour, l’amitié et le journalisme dans un pays en guerre, le livre entraîne le lecteur au fin fond d’une Sierra Leone dévastée.
L’Afrique n’est qu’un prétexte mais quel prétexte… Si la Sierra Leone, » fosse commune de soixante-quinze mille kilomètres carrés « , est l’obsession des personnages du livre de Ramon Lobo, le pays africain est surtout l’occasion pour l’auteur de développer les véritables thèmes de l’ouvrage : l’amitié, l’amour, la mort, le journalisme. Ramon Lobo, journaliste né au Vénézuela en 1955 et correspondant de guerre pour le grand quotidien espagnol El Pais, donne à lire un récit inspiré, parsemé d’éclats autobiographiques.
Son personnage central, Sincero del Corral Marti, photographe, remonte le cours de ses souvenirs. Le journaliste Carlos Bota Rovira, son alter ego, vient de mourir, emporté par un cancer » en phase quatre non opérable « , lui laissant en héritage ses carnets intimes. Sincero, à leur lecture, se souvient… Ils ont couvert ensemble plusieurs guerres, parcouru le continent noir, partagé les bouteilles de vodka et aimé les mêmes femmes… » Nous avons commencé par être deux aventuriers, deux types sans trop de cervelle qui adoraient voyager, qui allaient voir les guerres, convaincus d’être les héros d’un film de la Metro Goldwyn Mayer. Reconnais-le ! (…) J’aspirais à être une sorte d’Hemingway et toi un nouveau Robert Capa « , disait Carlos Bota à son ami.
Phase terminale
Ils ont fait quatre voyages à Freetown (capital de la Sierra Leone), le dernier, en mai 2000, sera celui du non-retour pour Carlos qui décide de mourir dans ce pays d’où il n’est jamais complètement parti. En attendant la mort, les deux hommes s’installent à l’Ile Afrique, un ancien grand hôtel de type colonial, bâtisse toute blanche » rongée par le salpêtre, les guerres et l’oubli » à 30 kilomètres au sud de Freetown. Elle accueille 150 enfants ex-guérilleros du Front révolutionnaire uni (Ruf) que quelques missionnaires tentent de ramener à la vie.
C’est là, dans ces » odeurs de musc, de poisson en salaison, de sueur et de terre chaude » que se tissent leurs dernières aventures, aux côtés de Bojeh et Suleyman, 12 et 13 ans, qui veulent » être étrangers quand ils seront grands et partir en Europe « , du petit Sheku à l’enfance confisquée, de la beauté renversante de Juliette… Ramon Lobo, tout en analysant lucidement et très justement le métier de reporter de guerre, dresse avec talent le portrait de deux malades en phase terminale : Carlos et la Sierra Leone.
L’Ile Afrique de Ramon Lobo, éditions Actes Sud.
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