Depuis deux ans, l’association Relais Enfants – Parents Cameroun (REPCAM), dirigée par Claire Mimboe Ndi-Samba, vient en aide aux mineurs emprisonnés, leur apportant un soutien matériel, scolaire et moral. Elle organise de nombreuses manifestations, à Yaoundé, du 13 au 23 juin prochain. Reportage.
Le soleil est à son zénith et il est tout juste midi, lorsque nous arrivons devant l’imposant bâtiment de la prison centrale de Yaoundé, la capitale du Cameroun. En cette petite saison de pluie, qui courre de mai à juin, l’humidité est assez importante et la température avoisine quand même les vingt-huit degrés celsius. Autrefois à la périphérie de la ville, quasiment en pleine forêt, ce centre pénitentiaire se situe aujourd’hui au cœur d’un quartier populaire du sud de la ville, au bord d’une route asphaltée à la circulation dense et rapide. Comme toujours, les visites sont nombreuses et il y a déjà affluence. Après un contrôle méticuleux, voire un peu tatillon de la part des gardiens de prison, nous passons le porche d’entrée pour parvenir dans une cour intérieure, où se trouve l’essentiel des bâtiments administratifs de la prison. Un bref passage chez le régisseur et nous voilà prêts à aller vers le quartier des mineurs.
Construite au milieu des années 1960, sur un terrain de six hectares, la prison centrale de Yaoundé était prévue à l’origine pour une capacité d’accueil d’environ mille personnes. A l’heure actuelle, on y dénombre près de 4500 détenus, dont une centaine de femmes et près de trois cents mineurs. Une situation de surpopulation carcérale que déplore une partie du personnel pénitentiaire. D’autant plus que les moyens dont ils disposent pour le fonctionnement de la prison semblent singulièrement restreints. Et malgré l’existence d’un programme pour l’amélioration des conditions de détention, financé par l’Union européenne, cette prison – comme de nombreuses autres prisons sur l’ensemble du territoire camerounais – ne peut plus se passer de l’aide d’organisations non gouvernementales.
Aider les enfants, alerter l’administration et sensibiliser le public
C’est le cas de l’association Relais Enfants – Parents Cameroun (REPCAM), qui est membre de la Fédération européenne des Relais Enfants – Parents. Créée en février 2006 par Claire Mimboe Ndi-Samba, cette association se propose notamment de venir en aide aux enfants de détenus, aux mineurs et aux femmes incarcérés. Mais elle mène également des campagnes de sensibilisation du public, sur la condition des enfants des détenus et des mineurs incarcérés. Pour l’instant, elle est présente dans deux établissements pénitentiaires : la prison des femmes de Mfou et la prison centrale de Yaoundé. Dans cette dernière, le REPCAM contribue à la scolarisation de Plus de 270 mineurs. Grâce à une salle de près de deux cents mètres carrés mise à sa disposition par l’administration pénitentiaire, l’association a pu mettre en place trois cycles d’enseignement : deux cycles primaire et secondaire, et 4 ateliers d’apprentissage – couture, électronique, coordonnerie et cuisine.
Et c’est notamment pour encourager les meilleurs élèves, que le REPCAM a organisé une cérémonie de remise des prix, suivie d’une distribution de tee-shirts et de baskets. Dans un brouhaha indescriptible, ils sortent de leurs cellules pour prendre place dans la fameuse salle qui sert à leur dispenser des cours et à animer les ateliers. La crâne rasé, ils paraissent presque tous très amaigris. A l’évidence, ils sont nombreux à ne pas manger à leur faim. Comme nous le confiera monsieur Foé Nga, le chef de service de la discipline et des activités socioculturelles et éducatives, ils n’ont qu’une ration alimentaire par jour. Pis, le menu est presque toujours le même : riz, haricots ou maïs. Pour manger à leur faim, les détenus ne peuvent compter que sur leurs familles, et sur les dons des organisations non gouvernementales. Il en est de même pour les soins de santé. D’ailleurs, la pharmacie de la prison ne peut guère se passer des dons en médicaments.
Des jeunes sans repères
Nombre des trois cents mineurs présents ce jour-là auraient besoin de soins. C’est le cas par exemple d’Aboubakar A., un jeune homme de 17 ans qui doit peser à peine quarante kilos, et qui dit avoir très faim. Il avouera ensuite être très malade et dans l’incapacité de se soigner, car sa famille, qui est très pauvre, se trouve dans l’Est du pays, à plusieurs centaines de kilomètres de là. Elle ne peut donc pas lui venir en aide, d’ailleurs ils ne savent pas qu’il est en prison depuis bientôt quatre mois. Comme ce garçon, ils sont nombreux à ne pas avoir de famille dans la capitale. Or, pour ces mineurs dont beaucoup sont des délinquants sans repères, l’absence de toute famille complique singulièrement leurs conditions d’incarcération, ainsi que les perspectives de réinsertion. Cependant, certains mineurs s’en sortent plutôt bien. C’est le cas d’Abomo. N. B., qui grâce notamment à l’action du REPCAM, prépare actuellement son brevet d’études. Il est également le représentant des mineurs, ce qui est à la fois une marque de confiance et une reconnaissance pour ce garçon affable et qui s’exprime mieux que tous ses camarades. Incarcéré pour vol aggravé, il attend son jugement depuis quatre ans ! Une situation assez courante pour de nombreux détenus.
Autre incongruité, il n’y a pas de quartier réservé aux jeunes filles mineures. Elles sont installées avec les femmes. Certes elles ne sont que trois actuellement, mais l’on ne peut s’empêcher de se demander, ce qui se passerait s’il y en avait quelques-unes de plus. Pour Ngono P., la plus jeune des trois, cette situation ne la dérange pas outre mesure. Emprisonnée pour meurtre, elle n’est là que depuis cinq mois et ne semble pas réaliser véritablement ce qui lui arrive. Heureusement, elle est très entourée par sa famille et semble apprécier l’aide que leur apporte le REPCAM. Et c’est pour pérenniser son action et mieux la faire connaître que l’association organise de nombreuses manifestations dans le cadre des rencontres Relais Enfants – Parents à Yaoundé, du 13 au 23 juin prochain. Mais pour sa présidente, l’objectif c’est améliorer sensiblement la situation des mineurs incarcérés. « Mon rêve aujourd’hui est de voir le transfert de tous les mineurs incarcérés, des prisons vers des centres spécialisés de redressement » souligne-t-elle. Espérons qu’elle sera entendue, notamment par les autorités camerounaises.
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