Le Salon international des remèdes naturels africains (Sirena) a ouvert ses portes ce lundi de Ouagadougou. Inauguré par le secrétaire général du ministère de la Santé burkinabé, il regroupe près de cinquante tradithérapeutes venus du Mali, du Bénin, du Burkina Faso, du Ghana, de Chine, de France et d’ailleurs pour promouvoir et valoriser les médecines naturelles capables de soigner de nombreuses maladies, à faible coût. Lieu de rencontres et d’échanges, le Sirena se tiendra jusqu’au 29 février à la Maison du Peuple.
De notre envoyée spéciale Nathalie Rohmer
Organisé par la Fédération des tradipraticiens sans frontières, avec la participation de nombreuses associations internationales, la quatrième édition du Salon international des remèdes naturels africains marque, une fois de plus, la volonté d’une corporation de se professionnaliser pour inscrire les médecines douces au rang de la médecine moderne. « Nos anciens ont étudié patiemment les animaux, les plantes et les minéraux de leur environnement pour soulager et guérir leurs semblables. Sans laboratoire coûteux ou équipes de recherche pléthoriques. Aujourd’hui, la médecine redécouvre ces remèdes d’autrefois que la science a quelque peu méprisés », explique Kamanga Théophile Ouédraogo, créateur du Sirena.
Traditions oubliées
Les tradithérapeutes pâtissent souvent d’une mauvaise image et les rites traditionnels ont discrédité, aux yeux des scientifiques, les traitements prescrits. Pour combien de personnes, les mots « rebouteux », « charlatan » ont pris le sens d’« escrocs » ou d’« imposteurs ». « Certes l’engouement pour les thérapies naturelles gagne l’Occident petit à petit mais il est loin d’être la règle. Quant à la nouvelle génération d’Africains, elle s’intéresse de moins en moins aux secrets de ses ancêtres. De plus en plus de personnes se détournent de leurs propres médecines et se réfèrent à la médecine scientifique occidentale », explique Marc Olivier, chercheur ethnobotaniste français à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) à l’origine du projet PHAVA pour la valorisation et le développement de la pharmacopée traditionnelle.
Le Sirena est donc une nouvelle occasion pour les tradithérapeutes d’organiser leur corporation. Arrivés ce week-end du Burkina Faso, du Niger, du Sénégal, du Mali, du Ghana, du Bénin, de France ou encore de Chine, une cinquantaine de guérisseurs présentent ici leurs produits et échangent leurs connaissances pour améliorer et revaloriser leur profession. Pour l’heure, il s’agit donc de recevoir des formations, d’apprendre à s’organiser en association, à étiqueter les produits en gage de sérieux. « Tout au long de la semaine, praticiens et visiteurs pourront découvrir la richesse de la pharmacopée traditionnelle, étudier les différentes méthodes et s’enrichir des savoirs de chacun », explique un participant béninois, venu spécialement de Cotonou. « L’année dernière, le salon a eu un tel succès que des enfants attendaient pour leurs grands-parents, tellement la file d’attente était longue. Cette année, le salon devrait attirer encore plus de monde », espère l’organisateur Kamanga Théophile Ouédraogo.
Médecine traditionnelle et industrie pharmaceutique : même combat
Lancé il y a quatre ans, le salon a permis de sensibiliser les plus hautes instances nationales et internationales. L’enjeu est de taille. L’accès aux médicaments restant l’apanage des populations privilégiées, les médecines traditionnelles dont l’efficacité est avérée peuvent donc permettre au plus grand nombre de se soigner à moindre coût. L’Afrique, continent pauvre, regorge de plantes capables de guérir les diverses pandémies qui la rongent. Hépatites, méningites, dysenterie, tuberculose, paludisme, maladies opportunistes du sida, etc. « Les thérapies traditionnelles ont donc leur rôle à jouer et le Salon a contribué à une prise de conscience parmi les plus hautes instances nationales et internationales », explique Kamanga Théophile Ouédraogo. L’OMS a déclaré il y a deux ans qu’inscrire les thérapies traditionnelles aux côtés de la médecine occidentale relevait de la plus haute importance. L’idée fait donc son chemin.
Le ministère de la Santé burkinabé s’est d’ores et déjà engagé à réglementer la médecine traditionnelle pour lui redonner une image sérieuse et la rendre crédible. « Les recettes traditionnelles peuvent avoir leur utilité mais leur efficacité doit être attestée par une vérification scientifique. La lutte contre le VIH et les maladies opportunistes sont une priorité du Burkina. Elle est un défi majeur pour les pays africains qui comptent trente millions d’individus touchés. Impliquer les tradipraticiens est donc nécessaire », a rappelé le secrétaire général du ministère de la santé burkinabé lors du discours d’ouverture du Salon.
Le site du Sirena.