Ce n’est peut-être pas encore l’implosion du RCD-Goma, mais apparemment cela ne saurait tarder. La décision des fondateurs du parti, présents à Goma, de suspendre leur participation aux institutions de la transition n’est pas du goût de ceux qui sont restés à Kinshasa et qui accusent le président du parti d’avoir tribalisé les débats au détriment de l’Etat. Tout en condamnant les massacres de Gatumba, certains milieux politiques, à Kinshasa, n’hésitent pas à accuser le RCD-Goma de chercher à en tirer des dividendes politiques.
De notre correspondant Octave Kambale Juakali
Il y a finalement eu plus de peur que de mal à Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, où le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD-Goma), l’ex-rébellion soutenue par le Rwanda, avait promis d’annoncer de graves décisions sur l’évolution de la transition politique en République démocratique du Congo (RDC). Alors que sur place, à Goma, on appréhendait une possible reprise des hostilités, comme le Rwanda en avait sérieusement brandi la menace, le RCD-Goma a plutôt annoncé la suspension, par tous ses membres, de leur participation aux institutions de la Transition. Bien que le risque d’une reprise des hostilités ne soit pas totalement écarté, les Congolais ont poussé un ouf de soulagement, préférant l’escalade verbale, qui a cours depuis quelques jours entre les milieux proches du Président de la République, Joseph Kabila, et le RCD, à une guerre ouverte comme cela a été le cas en 1996 et 1998.
Dans sa déclaration politique publiée à l’issue de la réunion dite des fondateurs du parti, le RCD dénonce, au passif du gouvernement congolais, « un déficit criant de réalisations par rapport aux objectifs de la transition, notamment dans les domaines de la formation de l’armée restructurée et intégrée, du rétablissement de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national et spécialement dans la province du Sud-Kivu, de la réconciliation nationale et de la transparence dans la gestion des affaires de l’Etat ». La réunion des fondateurs du RCD clôturait ainsi une semaine de deuil porté en mémoire des victimes des massacres du 13 au 14 août 2004, perpétrés à Gatumba, au Burundi, sur des réfugiés congolais d’origine tutsi-banyamulenge.
Dr Ilunga, sénateur RCD : « C’est inacceptable »
A Kinshasa, on minimise la portée de cette décision d’autant plus qu’au sein même du RCD, les violons ne s’accordent pas sur l’opportunité de la décision. Les membres du parti qui n’ont pas fait le déplacement de Goma n’hésitent pas à condamner la décision prise. Dr Emile Ilunga, ancien président du RCD-Goma, sous la rébellion et actuellement premier vice-président du Sénat, est particulièrement sévère contre le nouveau président du mouvement, M. Azarias Ruberwa, qui est également vice-président de la République : « La déclaration de notre président, s’est-il insurgé mardi matin, a rejoint la position des gens qu’il a combattus hier », allusion aux huit députés banyamulenge qui avaient déjà pris la même décision en juillet 2004 et qui avaient été condamnés par la haute direction du parti. « On peut déduire que le vice-président de la République ne souhaite pas le bien de la RDC et de son peuple. Décrocher le RCD des institutions est inacceptable. C’est ainsi que nous lançons un appel aux camarades députés, sénateurs, ministres et autres animateurs RCD des institutions citoyennes à demeurer à leur poste pour continuer le processus et l’infléchir dans l’intérêt du peuple. Aucune distraction n’est de mise à un an de la fin de la transition. »
Sur la même lancée, Mova Sakanyi, le ministre congolais de l’Information et porte-parole du gouvernement préfère tout simplement ignorer la décision du RCD : « Il n’est pas question d’arrêter la transition. Nous considérons que les engagements que nous avons pris envers notre peuple dépassent de loin les considérations partisanes, et à la limite, tribale. » Réaction pratiquement identique du MPR (Mouvement Populaire de la Révolution), le parti de feu le maréchal Mobutu qui, par le truchement de sa présidente, Mme Cathérine Nzuzi wa Mbombo regrette que Me Azarias Ruberwa, tout juriste qu’il est, n’ait pas cherché à utiliser le mécanisme mis en place par le processus de transition pour faire valoir ses revendications : « Que compte-t-il faire dans ce cas précis, se demande-t-elle, du moment qu’il renonce à la confrontation d’idées dont se réclament tous les démocrates ? »
Scission du RCD
Bref, le malaise est général aussi bien à Kinshasa qu’en province. Il est sûrement plus profond encore dans le propre parti d’Azarias Ruberwa qui se sent gêné aux entournures du fait que les membres du RCD, restés à Kinshasa et confortablement calés dans des postes politiques de haute responsabilité, ne trouvent pas de lien direct entre les massacres de Gatumba, le deuil « national » porté localement en mémoire des victimes banyamulenge et le comportement du vice-président de la République en tant qu’homme d’Etat.
Dans un communiqué laconique, diffusé dans tous les médias, paru à Kinshasa mardi matin, ministres, députés et sénateurs RCD restés à Kinshasa annoncent leur détermination à continuer d’exercer leur fonction dans les différentes institutions. Si ce n’est pas encore l’implosion du RCD-Goma, cela y ressemble énormément.