Les représentants des syndicats dénoncent à travers le débrayage d’aujourd’hui la « supercherie » dont sont victimes les fonctionnaires après des années d’attente et d’espoir, ainsi que la marginalisation des syndicats agréés et représentatifs dans l’élaboration des politiques sociales. Ils manifestent leur mécontentement contre le statut général de la Fonction publique qui ne répond nullement aux attentes et aux aspirations des milliers de fonctionnaires.
Il y a à peine cinq mois, le 19 septembre 2007, la Coordination nationale des syndicats autonomes de la Fonction publique naissait. Cette nouvelle structure qui se veut une force de proposition renferme douze syndicats autonomes agréés par les pouvoirs publics et représentant les secteurs de la santé, de l’enseignement supérieur, de l’éducation, des vétérinaires, des psychologues et de l’administration de la Fonction publique. Il s’agit plus précisément du SNPSP, SNPSSP, SNPDSM, SNMASM, CNES, Snapest, SNVFAP, SNAPS, SATEF, SNTE, UNPEF et du Snapap qui regroupe à lui seul plusieurs unions, notamment les collectivités locales, les femmes fonctionnaires et la formation professionnelle. Ces syndicats ont décidé d’unifier leurs rangs pour peser de leur poids sur la scène syndicale. Cet espace est donc pour eux une nécessité et reste le seul moyen pour faire avancer leur cause.
Le détonateur de cette initiative, première dans les annales du mouvement syndical en Algérie, est la nouvelle grille nationale des salaires qui ne répond nullement à leur attente et également la politique syndicale menée par le gouvernement consistant en l’exclusion des syndicats autonomes de toutes les négociations. Les syndicats estiment que cette nouvelle grille des salaires n’est qu’« un mirage et un leurre » pour le fonctionnaire qui mérite une vie décente, car il est le moteur et la colonne vertébrale de la société. Aujourd’hui, c’est l’heure de vérité pour cette coordination. La grève générale à laquelle elle a appelé est un premier test. Un test réel. Des secteurs névralgiques du pays sont concernés et seront probablement paralysés. Les enseignants, les médecins, les agents des APC, les universitaires, les fonctionnaires dans toutes les entreprises publiques… manifesteront aujourd’hui leur colère et leur ras-le-bol de la situation des plus dégradantes qu’ils vivent depuis de longues années.
Une mobilisation pour des salaires décents
Concrètement, que revendiquent ces syndicats ? Ils demandent tout simplement un salaire décent pour vivre dans la dignité et sortir de la précarité. Pour eux, il est temps d’avoir une économie qui protège les fonctionnaires de l’inflation. Pour réparer cette injustice, les pouvoirs publics devront revoir leur stratégie. Le débrayage d’aujourd’hui est une forme de riposte pour exprimer un mécontentement. Il intervient suite à l’érosion du pouvoir d’achat des travailleurs et des citoyens de manière générale ainsi que de l’inflation incontrôlée, qui rend insignifiantes les augmentations infimes des salaires décidées par le gouvernement. « Nous ne sommes pas du tout satisfaits de la grille des salaires. Sans aucune exagération, nous la qualifions de supercherie », expliquent les syndicalistes qui déplorent leur mise à l’écart de toutes les négociations, notamment lors de la confection du statut de la Fonction publique. « A quoi sert un syndicat qui ne négocie pas le devenir de la carrière professionnelle de ses adhérents ? », s’est interrogé le représentant de la coordination en estimant que le statut contient aussi plusieurs anomalies, surtout dans son article 3 qui stipule que les fonctionnaires algériens peuvent ne pas avoir les mêmes droits et les mêmes obligations. Il est aussi très répressif et désavantage le fonctionnaire dans l’ensemble.
En somme, les syndicats demandent une augmentation de la valeur du point indiciaire à 70 DA au lieu de 45 DA, la renégociation de la classification de certaines catégories, la refonte des statuts particuliers en présence des syndicats représentatifs avec au préalable la discussion sur le régime indemnitaire pour chaque secteur. Donner la possibilité aux syndicats autonomes de participer à l’élaboration du nouveau code de travail qui est en train d’être préparé uniquement par les cadres du ministère du Travail et l’UGTA, et l’ensemble de ces organisations demandent l’application des textes de lois à tous les syndicats sans exception aucune et surtout à l’UGTA pour arriver à définir vraiment qui représente qui. Sur un autre chapitre, les syndicats regrettent que les partis politiques courent derrière eux pour en faire des organisations satellites, mais quand ils sont au gouvernement, ils ne parlent que de l’UGTA.
C’est clair, les syndicats comptent mobiliser leurs troupes jusqu’à satisfaction de leurs revendications. Ils ont mené un combat de longue haleine et continueront à le faire, et ne perdureront que ceux qui croient en le principe que les travailleurs algériens sont libres, majeurs et assez mûrs pour pouvoir discerner entre ceux qui défendent leurs causes (et elles sont nombreuses) et ceux qui se sucrent sur leur dos. Le rejet des syndicats autonomes ne fera pas, selon ces derniers, avancer l’Algérie ni politiquement, ni économiquement, ni socialement, car pour le faire, il faut laisser aux gens la possibilité de donner leurs avis de s’exprimer librement. En un mot, soutient M. Ider, « il faut les laisser s’assumer et prendre leurs responsabilités jusqu’au bout, sinon nous ne serons que là où nous sommes aujourd’hui, c’est-à-dire à ressasser les mêmes revendications depuis 1962 ».
Nabila Amir, pour El Watan