Qui sera le « Prix RFI Musiques du Monde 2004 » ? A l’heure où les insriptions ne sont pas encore closes, il est trop tôt pour le savoir. Mais l’occasion nous est donnée de revenir sur le lauréat sortant : le rappeur sénégalais Didier Awadi pour son album solo. Six mois après sa consécration, il revient avec Afrik sur les changements intervenus dans sa carrière.
Didier Awadi est un précurseur. Avec son groupe, le Positive Black Soul (PBS), fondé en 1989, il a contribué plus que quiconque à l’essor du rap sénégalais et africain sur la scène musicale mondiale. Mais c’est pour sa toute jeune carrière solo que Radio France Internationale a choisi de le couronner, en octobre dernier, en lui attribuant le « Prix RFI musiques du monde ». Ses textes militants à souhait ont fait l’unanimité au sein du jury. Notamment auprès de son président, le chanteur Youssou N’Dour. Au palmarès, le rappeur prend la suite de Tiken Jah Fakoly, d’Habib Koité, de Rokia Traoré ou encore de Sally Nyolo. Autant d’artistes que le prix a contribué à lancer et à faire connaître en dehors de leurs frontières. Six mois après sa consécration, Didier Awadi, qui prépare un nouvel album solo, revient avec Afrik sur les changements intervenus dans sa carrière. Et dans celle du PBS, qui évolue désormais sans l’un de ses membres fondateurs, Amadou Barry, dît Doug E. Tee.
Afrik : Vous avez obtenu le « Prix RFI Musiques du monde » pour votre premier album solo, mais vous rappez depuis 1989 avec le Positive Black Soul. N’auriez-vous pas préféré le remporter avec votre groupe ?
Didier Awadi : C’est clair. J’aurai préféré que ce soit avec le groupe. Nous avons les mêmes valeurs et la même idéologie.
Afrik : Quelle différence existe-t-il aujourd’hui entre le PBS et Didier Awadi ?
Didier Awadi : La différence tient dans l’engagement, dans les thèmes que je développe. Je fais preuve d’un militantisme assez poussé. C’est vrai que le PBS est aussi très militant, mais pas autant que moi.
Afrik : Pourquoi ne l’est-il pas autant ?
Didier Awadi : Il faut que chacun puisse amener ses feelings, ses influences, lorsque nous écrivons. Au sein du PBS, je ne pouvais pas imposer sept chansons dans un album. Maintenant, oui, je le peux.
Afrik : Comment faîtes vous la part des choses avec votre groupe ? Lorsque vous vous produisez au festival Sénérap, par exemple, est-ce en tant que Didier Awadi ou en tant que PBS ?
Didier Awadi : Toujours avec PBS. De toute façon, mes musiciens lorsque je chante en solo sont des musiciens de PBS.
Afrik : Etes-vous autorisé à utiliser la bourse de 6 000 euros de votre Prix RFI avec le PBS ?
Didier Awadi : Rien ne m’en empêche. L’argent du prix est utilisé indistinctement entre moi et le PBS.
Afrik : Quels changements sont intervenus dans votre carrière, depuis que le Prix vous a été décerné ?
Didier Awadi : Nous avons beaucoup plus de crédibilité. Il y a des gens qui commencent à s’intéresser à notre travail et nous avons des contacts, en dehors du Sénégal. Des maisons de disques commencent à nous téléphoner.
Afrik : Estimez-vous être assez efficace en militant par le biais de la musique ? Envisagez vous de vous exprimer par un autre moyen : littérature, politique… ?
Didier Awadi : Par la littérature, oui. Par des actions sur le terrain, oui. Par la politique, non. Chacun son boulot. J’estime que certains hommes politiques font très bien leur travail. D’autres moins… Mais il ne faut pas se prendre pour quelqu’un qui va changer le monde.
Afrik : Qu’est ce que le Rap a changé, au Sénégal ?
Didier Awadi : Le Rap a contribué à un éveil des consciences. Il a poussé les jeunes, qui ont écouté les messages des nombreux rappeurs sénégalais, à aller voter. Au Sénégal, il se dit que ce sont la presse privée et les rappeurs qui ont permis le changement de régime. Le Président Wade aurait été élu par une majorité de jeunes électeurs.
Afrik : Assiste-t-on au Sénégal au même phénomène qu’en Occident, où une grande part de la production de Rap a perdu de son caractère revendicatif pour devenir grossièrement commerciale ?
Didier Awadi : Non, pas encore. Je pense que le Rap évolue par rapport au milieu dans lequel il se développe. Les rappeurs français parlent de leurs conditions de vie, des barres de HLM… Peut-être que ceux qui développent un rap commercial ont moins de soucis…
Afrik : Quelles sont les particularités du Rap sénégalais ?
Didier Awadi : Les langues. Il y en a beaucoup. Un grand travail est fait sur le wolof, par exemple. De nombreux mots oubliés ont été exhumés par les rappeurs et recommencent à vivre. Les instruments aussi, sont différents, comme les coras. En Occident, les rappeurs samplent de vieux tubes, ici, nous reprenons des chansons traditionnelles pour les remettre au goût du jour (rire)… Bien sûr, nous faisons aussi du sampling, pour la batterie par exemple, mais nous avons aussi beaucoup d’instruments en live.
Afrik : Votre prochain album sera en solo ou avec le PBS ?
Didier Awadi : Il y aura d’abord un album solo. Nous sommes en plein travail…
Afrik : Nous… ?
Didier Awadi : Je travaille en équipe, avec mes collègues du PBS. C’est mieux, de travailler avec la famille. Ils n’hésitent pas à me donner leur avis, s’ils n’aiment pas quelque chose. Aussitôt qu’on pourra avoir quelque chose de correct, on le proposera.
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