Le mois du Ramadan commence jeudi pour les 5 millions de musulmans de France. Mais lorsqu’on ne vit pas dans un quartier où il y a une forte communauté musulmane, il est difficile de ressentir la ferveur du mois du Ramadan. Pour la plupart des musulmans l’ambiance n’a rien à voir avec celle que l’on peut vivre au pays, rien n’a le même goût. Témoignages.
Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur, a annoncé hier que le mois de ramadan commencera jeudi 13 septembre. Un mois pendant lequel les fidèles devront s’abstenir de boire et de manger de l’aube à la tombée de la nuit. Le Ramadan débute en fonction de l’apparition de la nouvelle lune. C’est l’un des cinq piliers de la religion musulmane, avec la profession de foi, la prière, l’aumône et le pèlerinage.
Pour la plupart des musulmans de l’hexagone, le mois du Ramadan n’a pas la même saveur que dans leurs pays d’origine. Certes, parmi ceux que nous avons rencontrés dans les rues de Paris, certains comme Mohamed*, ouvrier d’origine algérienne, estiment que l’endroit ou l’on fait le Ramadan n’a pas d’importance : « Où que tu ailles sur terre, il y a Dieu, c’est une affaire de foi et non d’ambiance, ni de bonne bouffe. Pour moi, ici ou ailleurs, c’est pareil. Les gens s’affairent, préparent des plats, font les courses, se ruinent et oublient le vrai sens du mois de Ramadan qui reste un mois de recueillement et de partage. »
«Au pays, tout le monde fait le Ramadan».
Cependant, pour la majorité de ceux qui ont grandi à l’étranger, l’on ne peut vivre pleinement cette période qu’« au pays». Tel est le cas de Madame Sy, mère au foyer sénégalaise, pour qui « le mois du Ramadan est un mois heureux au Sénégal, contrairement à ici. Il y a de la générosité, tout le monde rentre chez tout le monde et on partage. Ici chacun reste chez soi, on se lève tôt pour manger. Le soir, à l’heure de l’Iftar (rupture du jeune), on mange à nouveau et chaque jour c’est pareil, jusqu’à la fin du mois, sans jamais vraiment ressentir que c’est le Ramadan. Au Sénégal, le jour de l’Aïd, les femmes se font belles, les enfants ont de nouvelles tenues et c’est la fête, tout le monde invite tout le monde, on prépare à manger et on mange tous ensemble, c’est très différent. »
Amet*, retraité turc, ne retrouve pas, lui non plus, l’atmosphère qu’il a connue en Turquie. « Au pays, nous dit-il, tout le monde fait le Ramadan, lors de la prière du soir les mosquées sont pleines. L’appel du Muezzin qui n’existe pas en France rappelle l’heure de la prière du Maghreb (couché du soleil) et, par la même occasion, annonce la rupture du jeune. Ici, tous les musulmans n’ont pas les mêmes horaires sur les calendriers de prière », nous a-t-il confié.
«Ici le Ramadan pourrait arriver sans que personne ne s’en rende compte ».
Youssouf*, comptable sénégalais vivant dans l’Hexagone depuis 2003, rappelle que « la France n’est pas un pays musulman. Au Sénégal on respecte l’horaire de la prière, ici les gens sont négligents. Je fais de mon mieux pour vivre mon Ramadan selon le rythme du mois de Ramadan, malgré le boulot. Même si ça n’a pas le même goût qu’au Sénégal, au moins, on a les mosquées et si je compte bien, il doit y avoir cinq mosquées entre Strasbourg St Denis et Château d’ Eau. Alors, je profite de ce mois béni pour prier pour ma fille cadette Zyneb, qui est aveugle, afin qu’ Allah l’aide à retrouver la vue. »
Pour El Hadj Ibrahim*, retraité Guinéen, la principale différence entre la France et la Guinée c’est la ferveur. « Les gens, ici, ne considèrent pas le Ramadan. Là-bas, il y a la ferveur et la solidarité. Ici, le Ramadan pourrait arriver sans que personne ne s’en rende compte. Alors je viens faire ma prière à la mosquée et je rentre chez moi, parce qu’il n’y a qu’à la mosquée que je retrouve cette sensation. »
«Il n’y a pas de meilleur période pour rentrer au pays que celle du Ramadan ».
Il n’y a pas que les musulmans ayant longtemps vécu à l’étranger qui pensent que le mois du Ramadan se vit moins intensément dans l’Hexagone où l’Islam n’est pas la religion principale. Certains jeunes musulmans nés en France partagent cette idée. Karim, buraliste français d’origine tunisienne, n’a jamais eu l’occasion de vivre le Ramadan dans le pays de naissance de ses parents. Pourtant, d’après lui, « il y a une grande différence. L’ambiance n’est pas la même, il y a la famille, les soirées, tout le monde vit sur le même rythme. Ici, c’est le travail, le travail, c’est tout. Même si à Strasbourg St Denis (quartier de Paris), on ressent quand même un peu que c’est le Ramadan.»
L’an passé, Sadek, jeune ingénieur français d’origine marocaine, a vécu pour la 1ère fois le mois du Ramadan au Maroc. Depuis, il ne souhaite plus le passer en France. Cette année, il a posé ses congés en septembre, afin de pouvoir traverser la Méditérranée. « On dit souvent qu’il n’y a pas meilleure période pour rentrer au pays que celle du Ramadan, et c’est vrai. Les rues sont animées la nuit, l’ambiance n’est pas la même qu’en France et le rythme des Marocains est calqué sur celui du Ramadan. Quand je suis là bas, j’ai vraiment la sensation de vivre et de partager ce mois de Ramadan.»
Mois de spiritualité par excellence, le Ramadan est un événement majeur pour tous les musulmans qui, d’une façon ou d’une autre, en France ou ailleurs, ne manqueront pas de le célébrer comme il se doit.
*: ces noms ont été modifiés