Boualem Disco Maghreb est l’éditeur et loup blanc du raï sur la place d’Oran. C’est un faiseur de tubes, pour Mami, Khaled, Zahouania, Fadhela et dernièrement Cheba Djenet. Il vient de lancer le raï robotique. La face B d’un disque pas du tout rayé.
El Watan : Quel est le secret de Boualem Disco Maghreb pour découvrir les jeunes talents du raï et « flairer » le tube ?
A chacun son métier. Il se trouve qu’il y a des gens qui excellent dans leur métier et ont du succès par rapport aux autres. Nous, en tant qu’éditeurs, quand nous entendons une voix d’un chanteur, nous la ressentons. Si cette voix dit quelque chose ou dégage quelque chose, c’est le déclic. Alors, nous recherchons des textes, une construction mélodique pour cet interprète.
El Watan : Comment avez-vous « repéré » cheba Djenet ?
Djenet, je l’ai contactée, il y a huit à neuf mois. Un éditeur d’Oran avait alors sorti une K7, et tout de suite, en écoutant sa voix, j’ai été touché par son phrasé déluré et chaud. Je l’ai appelée et négocié avec elle pour travailler ensemble d’une manière sérieuse et ne pas enregistrer avec n’importe quelle boîte de production. Car, il s’agit d’un investissement. Du coup, je ne l’ai plus revue que six mois plus tard. Six mois de réflexion.
El Watan : Cheba Djenet n’était pas entrée en studio pour la chanson Matadjebdouliche…
J’ai fait faire un duo à Djenet avec cheb Djelloul parce qu’il est connu et pour la remorquer. Mais à la dernière minute, je me suis ravisé. Et je lui ai fait un autre album entièrement pour elle et pour se faire un nom toute seule. Donc le premier album de Djenet (avec Djelloul) intitulé Matnadjmiliche ne sortira que dans dix jours.
El Watan : C’est facile de trouver un succès ?
Le succès va de pair avec la quiétude du public. Quand le succès est adopté par le public, c’est bon signe. Notre public est connaisseur, il a apprécié les belles choses.
El Watan : Le « raï robotique » est une vraie tendance lourde … Tous les chanteurs se mettent à ce raï technoïde. Comment a été conçue la chanson Matadjebdouliche ?
C’est le technicien et arrangeur Tewfik Boumelah qui m’a soufflé l’idée pour l’habillage de Matadjebdouliche avec le « son robotique ». J’ai tout de suite adhéré à son idée. Et ça a réussi. Le hasard et la chance ont voulu que ça tombe sur Djenet. Une chanson de son temps, chagrine et pathétique. Ne me parlez pas de lui a touché plus d’un. Les femmes n’aiment pas qu’on parle de leurs mecs et vice-versa. C’est un beau sujet : l’amour. Et vous pouvez vous faire un succès avec ce sujet.
El Watan : Le métier d’éditeur et producteur de raï est-il facile ?
Notre métier est devenu très difficile. Nous avons un grand problème avec le piratage.
El Watan : Par exemple…
Par exemple, le piratage du succès de Djenet en CD. Vous trouverez 400 à 500 graveurs sur le territoire national. Et l’on grave des best of raï où figure Djenet en milliers d’exemplaires piratés. Les droits d’auteur (ONDA) à chaque fois qu’on se rencontre, c’est la « guerre ». Et c’est une vraie « guerre » qu’il faut mener pour arrêter ce désastre. Il y a une incompétence dans la justice.
El Watan : Un manque à gagner…
Bien sûr que c’est un manque à gagner. Une bonne distribution de K7 est estimée à 90 %. Maintenant, nous avons 70 % de piratage de K7 et CD du produit. Ils (les pirates) ne nous ont laissé que 30 % d’exploitation du produit. Par exemple, vous écoutez Djenet n’importe où. Si vous vérifiez le CD écouté dans une voiture, vous trouverez qu’il est gravé. Un CD acheté gravé coûte 50 ou 60 dinars. C’est économique mais légal. C’est devenu comme à Taïwan. Il n’y pas de contrôle. Et personne n’est dédommagé. La cata…
El Watan : Que répondez-vous à ceux qui disent que le milieu des éditeurs du raï est mafieux ?
Ce langage est tenu par les chanteurs auxquels on a donné leur chance et qui ne marchent pas. Par exemple, un chanteur prétendra que sa K7 a été vendu à 10 000 copies alors qu’il n’en a écoulé que 100 unités. Et puis les éditeurs ne sont pas des saints. Je vais vous dire : 75 % des éditeurs ne sont pas du métier et créent des problèmes avec le chanteur. Par ailleurs, un débutant ne peut pas percevoir le cachet de Mami. A titre d’exemple, cheba Djenet a donné des concerts pour des bouchées de pain, et ce pour se faire un nom. C’est une fille qui travaille dur pour réussir. Et je veux qu’elle réussisse.
K.S.