79 morts selon RFI. Peut-être plus. Le printemps berbère a viré au rouge. Rouge sang. Les manifestations ont dégénéré en émeutes. Point de départ, une bavure – assassinat – d’un jeune lycéen dans une gendarmerie.
Au lieu de reconnaître le crime, la gendarmerie a tenté de se dédouaner en accusant la victime d’être un voleur, « un agresseur ». Elle est revenue sur ses propos mais le mal est fait. La population, lasse de la répression et sans perspective d’avenir, est descendue dans la rue. La gendarmerie a riposté à balles réelles. Le divorce semble définitif entre le brasier kabyle et le pouvoir central. Les balles n’ont jamais constitué un projet politique. Pourtant le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, n’a pas besoin d’un nouveau front, les foyers d’incendie sont assez nombreux dans un pays en flammes.
Le jacobinisme « arabo-musulman » prôné par Alger a vécu. Tirer à balles réelles constitue au mieux un aveuglement. Refuser de reconnaître une Algérie plurielle est une hérésie politique. En s’arc-boutant sur une identité exclusive, née par décret, Alger joue au saut à l’élastique. Sans filet. Gare à l’usure ! Et l’espoir d’ouverture représenté par Abdelaziz Bouteflika à son arrivée semble effacé…
Explosion sociale. Les manifestations montrent – démontrent- l’incapacité de l’Etat et même des partis politiques implantés dans la région (FFS et RCD°) à maîtriser, à canaliser la colère populaire. Les manifestants ne se satisfont plus de revendications linguistiques -reconnaissance de la langue berbère. C’est le ras-le-bol social qui a fait sortir les jeunes dans la rue. Encore une fois, on ne résout pas le problème du chômage avec des kalachnikov. Et les jeunes manifestants ne demandaient qu’à être entendus. Leur rêve : trouver du travail ! Ce n’est pas de l’idéologie. C’est de la vie.
La réponse musclée des gendarmes est disproportionnée au risque réel ou supposé d’une explosion générale de l’Algérie. Vouloir à tout prix cantonner les manifestations en Kabylie peut s’avérer très cher politiquement. Primo, cela ne fera qu’exacerber les passions autonomistes et réveiller les démons séparatistes. Et, secundo, le pouvoir prend le risque insensé d’une généralisation du conflit. Dans tous les cas, les autorités d’Alger auront perdu sur tous les plans.
Islamisme. L’aveuglement des militaires n’a d’égal que leur manque de vision politique. A défaut de projet clair, les autorités règlent au coup par coup les conflits. Dans le sang. Cela trahit une fuite en avant d’un personnel politique en mal d’idées. La solution résiderait peut-être, dans un premier temps, dans la reconnaissance de l’identité berbère. Mais le drame algérien est plus général, et c’est à toute la jeunesse d’Algérie qu’Abdelaziz Bouteflika doit aujourd’hui parvenir à redonner des espérances.
Lire aussi :
• La Kabylie en état d’insurrection