Epargnées par la crise politique qui secoue le pays depuis septembre dernier, les exportations ivoiriennes se portent bien. Les services des douanes, qui fournissent près de la moitié des recettes de l’Etat, ont dépassé leurs prévisions pour l’année 2002. Un résultat malgré tout décevant pour le Directeur du commerce extérieur, Charles Jérôme Gauz. Explications.
La Côte d’Ivoire est toujours économiquement débout. La crise politique n’a eu, pour l’instant, que des effets marginaux sur le commerce extérieur, l’une des principales mannes financières de l’Etat. Si les recettes douanières ont dépassé les prévisions pour 2002, elles laissent toutefois un goût amer aux autorités qui espéraient davantage. Charles Jérôme Gauz, Directeur du commerce extérieur, nous explique pourquoi les exportations ivoiriennes ont été épargnées par les événements militaires. S’il s’attend à des perturbations pour le premier trimestre 2003, il se montre confiant dans les atouts de la Côte d’Ivoire pour récupérer les partenaires économiques qu’elle a perdus.
Afrik : L’économie ivoirienne affiche une bonne santé alors que le pays est en conflit et que les frontières avec ses principaux partenaires économiques régionaux sont fermées depuis près de 4 mois. N’est-ce pas paradoxal ?
Charles Jérôme Gauz : Pas vraiment. Les recettes douanières représentent 40 à 45% des recettes de l’Etat. Or les produits qui nous viennent du Mali et du Burkina, jusqu’au port d’Abidjan, ne sont que des produits de transit. Ils utilisent nos infrastructures pour le magasinage. Ils ne font pas l’objet de droits d’entrée et n’ont, en conséquence, qu’une faible incidence sur les recettes douanières.
Afrik : Quelles sont les principales sources de revenu des services douaniers ?
Charles Jérôme Gauz : Nous avons un fort potentiel à l’exportation pour nombre de productions agricoles. Le cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier exportateur mondial, avec en moyenne 1,2 million de tonnes par an, le caoutchouc naturel (350 000 tonnes), l’huile de palme (273 000 tonnes), la banane (225 000 tonnes), le coton (125 000 tonnes) ou les noix de cajou (80 000 tonnes). Excepté le coton (dont le Mali et le Burkina sont les principaux producteurs, ndlr), nous sommes les premiers producteurs africains pour l’ensemble de ces produits. Tout comme pour l’ananas et le café robusta.
Afrik : Le pays est coupé en deux depuis les événements de septembre dernier. Cela n’engendre-t-il pas des perturbations pour les différentes campagnes agricoles ?
Charles Jérôme Gauz : L’essentiel de nos productions n’est pas situé dans les zones assiégées. Le café est touché puisqu’une partie de la production est issue de la région de Man. Mais seul le coton, qui est exclusivement produit dans le nord du pays, et la noix de cajou sont directement affectés. Encore que pour la noix de cajou seul 20% de la production nationale est issu de la région de Korogo, ville aux mains des rebelles. Les 80% restants viennent de la région de Bondoukou, une ville toujours sous contrôle des forces nationales. Le potentiel reste donc pour l’heure relativement intact. L’avantage est que la campagne n’a pas encore démarré. Elle débute fin janvier. Ce qui laisse du temps à la situation politique pour s’améliorer.
Afrik : Etes-vous satisfait des résultats 2002 du commerce extérieur ?
Charles Jérôme Gauz : Même si nous enregistrons des résultats à la hausse par rapport à 2001, nous sommes un peu déçus. En septembre, à un mois près, nous avions déjà atteint nos prévisions pour l’année au niveau des recettes douanières. Or c’est sur le dernier trimestre que nous réalisons normalement le plus d’affaires car il coïncide avec la campagne du cacao. Nous aurions pu espérer encore davantage.
Afrik : Vos partenaires commerciaux régionaux se détournent du port d’Abidjan. Ne craignez-vous pas que cela soit structurel ?
Charles Jérôme Gauz : Quand la crise va finir, je vous promets que la Côte d’Ivoire va redémarrer très fort. Nous allons recréer la confiance avec nos partenaires en développant de nouvelles initiatives pour améliorer l’environnement économique dans le pays. Les pays qui se sont détournés du port d’Abidjan doivent faire face à des surcoûts en matière de transport. Nous ne sommes pas inquiets, nous allons les faire revenir. Nous avons ici les meilleures infrastructures d’Afrique de l’Ouest. On a vu ça en 1999, les opérateurs économiques étaient partis : ils sont revenus.
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