La grande fenêtre du bureau de Margarida Martins donne sur la place José Luís Champalimaud, située dans un quartier central de Lisbonne, la capitale du Portugal, lieu de résidence d’un grand nombre d’immigrants dont beaucoup sont originaires de pays d’Afrique lusophone, et certains infectés au VIH.
Il n’est pas rare que son regard s’arrête sur des femmes africaines, enfants dans les bras, le regard désespéré, qui attendent de l’autre côté de la rue, de peur d’entrer dans le bâtiment.
Mme Martins, présidente de l’organisation non-gouvernementale Abraço (Association de soutien aux personnes vivant avec le VIH/SIDA), se trompe rarement : ces femmes sont séropositives ou ont des enfants séropositifs, sont généralement originaires de l’Angola et viennent chercher au Portugal le traitement antirétroviral qui n’est pas disponible dans leur pays.
Ces femmes ont la possibilité de rester en vie et en bonne santé au Portugal. En effet, selon la législation portugaise, les immigrants illégaux atteints de maladies mortelles, comme le VIH/SIDA, peuvent rester au Portugal pendant une année pour recevoir des soins médicaux. Ensuite ils sont obligés de quitter le pays, à condition que le traitement soit disponible dans leur propre pays.
Au cas où le traitement ne serait pas disponible dans leur pays d’origine, les immigrants peuvent rester plus longtemps. C’est le cas d’enfants séropositifs qui nécessitent un traitement antirétroviral ou d’adultes Angolais qui nécessitent des ARVs de deuxième ligne, pas encore disponibles en Angola.
« De nombreuses personnes séropositives qui commencent un traitement antirétroviral en Angola se plaignent qu’il manque parfois des médicaments, ou s’inquiètent du manque de confidentialité », a dit Mme Martins.
La même politique est employée pour des patients souffrant d’effets collatéraux graves pendant le traitement, tels qu’une insuffisance rénale. Si le pays d’origine ne dispose pas d’hémodialyse, l’immigrant peut également rester au Portugal.
« Il y a eu dernièrement une plus grande ouverture de la part du gouvernement portugais concernant ces cas de figure », a affirmé António Rodrigues, assistent social et conseiller de Abraço.
Aujourd’hui, grâce à l’association, environ 50 Angolais ainsi que des patients provenant d’autres pays africains lusophones suivent un traitement.
Le problème, c’est dans la plupart des cas, les immigrants « non seulement ignorent les mécanismes légaux, mais ne savent pas qu’il y a au Portugal des institutions pouvant les aider à venir à bout de la bureaucratie », a regretté Flora Silva, présidente de l’ONG Olho Vivo, qui aide les immigrants à régulariser leur situation dans le pays.
« Plusieurs d’entre eux ne demandent pas d’aide de peur d’être identifiés comme étant illégaux et d’être rapatriés », a-t-elle noté.
Selon les lois de 1998 et de 2003, tout immigrant atteint d’une maladie mortelle dont le traitement n’est pas disponible dans son pays d’origine peut régulariser sa situation au Portugal en présentant un certificat médical et une preuve de résidence et de subsistance.
Si la demande est acceptée par le Service des étrangers et des frontières, l’immigrant aura sa situation régularisée, ce qui lui donnera le droit de bénéficier des services de santé et de la sécurité sociale.
Pour beaucoup d’immigrants séropositifs illégaux, le processus commence au Centre national de soutien à l’immigrant (CNAI, en portugais), où ils sont envoyés par les hôpitaux qui les accueillent en situation d’urgence.
Selon Amélia Carvalho, infirmière du service de santé du CNAI, on essaie « de trouver un encadrement dans le Service national de santé » pour ces personnes.
La première mesure consiste à acheminer le malade vers le centre de santé le plus proche de sa résidence, en l’inscrivant à une première consultation, et ensuite à une consultation d’infectiologie.
Une fois inscrit au Service national de santé, le malade est exempté du paiement des traitements relatifs au VIH qui sont prodigués en milieu hospitalier.
Un système simple en théorie, mais plus difficile dans la pratique. « Il y a encore des médecins et des institutions de santé publique qui ne veulent pas prodiguer des soins aux séropositifs, et c’est là qu’intervient Abraço », a dit Sara Carvalho, assistante sociale du Centre de soutien à domicile de l’ONG.
Après les examens médicaux, la personne est envoyée aux associations telles que Olho Vivo. « Nous traitons les demandes de régularisation jusqu’au bout : nous établissons le contact avec le médecin responsable et nous nous occupons de la paperasse », a expliqué Mme Silva.
Cela inclut l’attestation de résidence et de subsistance, difficile à obtenir pour ceux qui n’ont pas un emploi stable ni une famille qui puisse les aider.
Lorsque la situation est enfin régularisée, « toutes les déductions déjà perçues pour la sécurité sociale entrent en vigueur et l’immigrant peut bénéficier du même soutien que tout autre citoyen Portugais », a-t-elle dit.
L’afflux d’immigrants des pays africains ayant pour langue officielle le portugais (PALOP, en portugais) au Portugal à la recherche de traitement – environ 80 pour cent des demandes que reçoit Abraço proviennent de ces pays – a sensibilisé l’institution à traiter le problème à sa racine.
« Nous sommes en train de négocier un protocole de coopération avec Médecins du Monde Portugal, et nous espérons mettre en place encore cette année des initiatives en Angola et au Mozambique qui viendront compléter les projets déjà en cours », a expliqué Francisco Porto Ribeiro, membre de la direction de Abraço.
En attendant, des immigrants continuent d’arriver au Portugal pour venir frapper à la porte de Margarida Martins, avec, dans leurs bagages, l’espoir de recevoir en terre étrangère le traitement qu’ils n’ont pas pu avoir dans leur propre pays.
De notre partnaire IRIN