Le Portugal procède à sa troisième vague de régularisation des immigrés clandestins. Sur les 150 000 personnes qui entrent ainsi dans la légalité, 40% viennent d’Afrique. Une bonne nouvelle pour ces Sans-papiers, esclaves du marché noir. Bémol : si le Portugal a besoin de main-d’oeuvre, il n’a pas pour autant besoin de citoyens. Explications.
Depuis le 6 février, 137 100 clandestins sur les 150 000 prévus bénéficient de la vague de régularisation décrétée par Lisbonne. Environ 40% d’entre eux viennent d’Afrique. Ils sont issus du Cap-vert, d’Angola, du Mozambique et de Guinée-Bissau pour la plupart. En moindre proportion, du Maghreb ou d’Afrique de l’Ouest. Mais si cet octroi massif des fameuses « autorisations de permanence » est une bonne nouvelle pour eux, il n’en fait pas pour autant des citoyens. Comme dans tous les pays d’Europe, les clauses draconiennes de la régularisation cachent mal l’hypocrisie des politiques d’immigration.
Besoin de main-d’oeuvre
Le Portugal, comme tous ses voisins européens, a besoin de main-d’oeuvre. Pour y pourvoir, la loi portugaise, votée en janvier 2001, prévoit des périodes de régularisation. Le nombre de papiers délivrés est fonction des rapports annuels établis par le ministère du Travail et de la Solidarité. Un gros chantier en prévision, beaucoup de régularisations. Une hausse du chômage… Pas de régularisations. Cette année, coup de chance : la préparation de la coupe de l’Euro, qui doit avoir lieu à Lisbonne en 2004, requiert de nombreuses petites mains dans le secteur du bâtiment… Est-ce à dire que les Capverdiens et les Angolais font leur entrée dans la société portugaise par la porte du stade ? Pas exactement.
Citoyens par intérim
L’autorisation de permanence est valable cinq ans. Pour l’acquérir, il faut justifier d’une présence dans le pays depuis six mois. Première difficulté de taille, puisqu’il s’agit de fournir les justificatifs officiels d’une situation irrégulière. Il faut également montrer une promesse d’emploi ou un contrat de travail. Une fois obtenue, cette autorisation doit être renouvelée tous les ans. Pas de contrat de travail, pas de renouvellement. Et retour à la case départ.
« Lorsqu’ils sont régularisés, les immigrés cotisent à la sécurité sociale, paient leurs impôts, et achètent, chaque année, le renouvellement de leur autorisation qui coûte 75 euros », s’indigne Jose Falcao, porte-parole de Sos-racismo Portugal. Selon lui, le gouvernement portugais, par ces fameuses autorisations renouvelables, exploite la main-d’oeuvre bon marché à son gré. « Cette loi est complètement dingue ! Il y a une frange de la population, notamment africaine, sans cesse ballottée entre la clandestinité et la légalité ! Le marché noir et la mafia profitent de cette élasticité », s’énerve-t-il.
Plus posément, Jean-Philippe Chauzy, le porte-parole de l’OIM (Organisations internationale pour les migrations), explique que la problématique portugaise est emblématique des politiques européenne. « L’Europe a du mal à accepter qu’elle a besoin des immigrés. Le mythe de l’immigration zéro est complètement dépassé. Mais il n’y a toujours par de législation digne de ce nom pour réguler les flux. » Au coup par coup, on régularise…