Après avoir clôturé, avec succès, la première phase de l’expansion du port de Berbera au Somaliland, le géant émirati de la logistique portuaire, DP World, se lance à bras le corps dans la seconde. Son objectif : faire de Berbera un point névralgique du commerce maritime mondial. Au détriment du port de Doraleh, situé dans la cité-État voisine de Djibouti.
442 millions de dollars. C’est le montant que s’est engagée à investir la société émiratie DP World pour faire du port de Berbera une plaque tournante du commerce maritime africain et mondial. Un objectif de plus en plus concret.
« Un hub majeur du commerce dans la région »
Idéalement situé dans la Corne de l’Afrique, le port de Berbera vient ainsi d’inaugurer, fin juin, en présence de Son Excellence Muse Bihi Abdi, Président du Somaliland, et du Sultan Ahmed bin Sulayem, Président du Groupe et PDG de DP World, son tout nouveau terminal à conteneurs. Doté d’un tirant d’eau de 17 mètres, d’un quai de 400 mètres et de trois portiques ship to shore, celui-ci est en mesure d’accueillir les plus grands navires à conteneurs du moment. Plus encore, ce nouveau terminal fait passer la capacité du port de 150 000 équivalents vingt pieds (EVP) à 500 000 EVP par an.
« Il s’agit d’un moment historique et de fierté pour le Somaliland et son peuple, car l’achèvement de la première phase a fait de notre vision de faire de Berbera, grâce à son emplacement stratégique, un hub majeur du commerce dans la région, une réalité », déclarait ainsi le Président du Somaliland, lors de la cérémonie d’inauguration. « Le port de Berbera jouera un rôle important dans le plan de notre pays visant à développer de multiples corridors de transport supplémentaires pour répondre aux besoins de notre économie à croissance rapide », se réjouissait pour sa part Dagmawit Moges, le ministre éthiopien des Transports.
Si le son de cloche fut le même du côté de Ahmed bin Sulayem, le PDG de DP World pense déjà à l’après : « notre travail pour faire de Berbera un port majeur dans la Corne de l’Afrique et pour l’Afrique de l’Est ne s’arrête pas là. Les travaux sont déjà en cours pour poursuivre l’expansion du port dans une seconde phase », a-t-il ainsi déclaré. Et celui-ci de poursuivre : « cette phase, qui constitue une partie cruciale de notre engagement à investir jusqu’à 442 millions de dollars dans le port de Berbera, comprendra une extension du quai du nouveau terminal à conteneurs de plus du double de sa longueur actuelle, pour atteindre un total de 1 000 mètres. Nous installerons également des grues de quai supplémentaires afin de porter la capacité de manutention du port à 2 millions d’EVP par an ».
Double peine pour Djibouti
D’après les mots de l’homme fort de DP World, le port de Berbera est donc promu à un brillant avenir. Qui n’est pas sans rappeler celui dont pouvait se targuer Djibouti, il y a encore quelques années. Mais c’était sans compter sur la décision unilatérale des autorités djiboutiennes, en 2018, de reprendre le contrôle du terminal à conteneurs de Doraleh à DP World, à l’origine de la conception de celui-ci et son exploitant depuis 2006.
Par cette manœuvre, vraisemblablement aussi illégale – si l’on en croit, entre autres, la décision de la Cour d’arbitrage international de Londres du 7 juillet dernier – qu’inattendue, le gouvernement djiboutien a, semble-t-il, condamné les rêves de grandeur du petit pays de la Corne de l’Afrique. Pire encore, celui-ci voit désormais son voisin devenir le hub régional auquel il a toujours aspiré, le tout sous la houlette de son ancien partenaire, DP World : « à 500 000 EVP par an, la phase 1 du port de Berbera le rend plus grand que Djibouti », annonçait ainsi le journaliste britannique Rageh Omaar sur Twitter, à l’occasion de l’inauguration du nouveau terminal à conteneurs.
Une dure réalité pour Djibouti, à laquelle vient s’ajouter la série de défaites judiciaires – sept au total – qu’a connue son gouvernement, aujourd’hui condamné à verser plusieurs centaines de millions de dollars de dommages et intérêts à la société émiratie. De quoi relayer l’augmentation de trafic de 30% enregistrée en 2020 par le port de Doraleh – la plus élevée du continent, mais explicable par la situation sanitaire mondiale qui a entravé le développement de ses concurrents – au rang de lot de consolation.