Une nouvelle arme contre le sida


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Sida (illustration)
Sida (illustration)

C’est un guerrier moderne. Armé de préservatifs et de tests de dépistage, le Sud-Africain Tau Morena, devenu récemment réalisateur porno, se lance dans la bataille contre le sida. Son film X, en vente depuis le 30 septembre dernier, est une première dans son pays. Exclusivement joué par des acteurs et actrices noirs, Mapona propose aux spectateurs des ébats sexuels protégés.

Loin des blockbusters américains, un nouveau film sauce local fait fureur en Afrique du Sud. Inutile de le chercher chez votre vendeur de DVD habituel, celui-ci s’achète en sous-main. A l’arrière des boutiques ou par téléphone. Un coup de fil, et en quelques jours, le colis tant espéré se trouve dans la boîte aux lettres. Lumière sur Mapona (nu, en zulu), le tout premier porno, en vente depuis le 30 septembre dernier, composé exclusivement d’acteurs noirs sud-africains.

Le long-métrage propose un peu plus d’une heure d’ébats sexuels qui devraient satisfaire les internautes de Sondeza (version sud-africaine de Youporn). A cor(ps) et à cri, les membres de cette plateforme ont demandé au patron, Tau Morena, de réaliser un film X, all-black. « Cela me plaisait de voir des jeunes femmes noirs comme moi, je pouvais m’imaginer à la place des mecs. En Afrique du Sud, vous savez, les pornos, c’est pour les Blancs », explique John ( le prénom a été modifié) en fin connaisseur.

Pas de préservatif, pas de porno

Pour tourner ce film, le cinéaste amateur avait un seul impératif : faire effectuer des tests de dépistage à ses acteurs. Une nécessité quelque peu délaissée, ces temps-ci, par l’industrie du sexe américain. Le 13 octobre dernier, Vivid Entertainment et Wicked Pictures, deux entreprises situées dans la banlieue de Los Angeles, ont pris la décision de suspendre leur tournage après que l’un de leurs acteurs a été infecté par le VIH.

La prudence est donc de mise Outre-atlantique mais aussi en Afrique du Sud. Un pays particulièrement touché par ce fléau. Cette obligation de tests et d’utilisation de préservatifs pour Mapona n’a pas freiné les ardeurs des futurs acteurs. Au contraire. Cinquante personnes ont répondu présent à l’appel de Tau Morena, même si seulement quelques unes ont été retenues. « Tous sont amateurs. Ils ont des emplois et des vies normales », insiste Tau Morena qui ne souhaite pas que ces acteurs en herbe soient interviewés par les médias.

Un pays conservateur

En Afrique du Sud, le gouvernement ainsi que la population ont la dent particulièrement dure à l’égard de l’industrie du X. D’après de récents sondages, une majorité de sud-africains serait opposée à la pornographie. Et il en va de même au sein du gouvernement. Le ministre sud-africain de l’Intérieur, Malusi Gigaba, a proposé un projet de loi visant à obliger les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs de téléphonie mobile à bloquer toute forme de pornographie sur leurs réseaux.  C’est pour « démolir les barrières » dans cette Afrique du Sud « conservatrice » que Tau Morena a décidé de réaliser Mapona. « Le sexe est un sujet tabou dans notre pays. Nous savons que les hommes et les animaux font l’amour mais personne n’en parle. On préfère plutôt en discuter d’un point vue biologique, anatomique ».

Tau Morena délivre ses messages sur des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter. Tant pis pour ses détracteurs. Tout y passe, sexualité taboue mais aussi inefficacité des campagnes d’informations sur le VIH. Des initiatives pourtant nombreuses dans le pays. « Le taux d’infections est très élevé, il y a beaucoup d’informations sur la prévention et les modes de transmission du VIH, cependant les appels passent inaperçus. Avec ce film, nous faisons passer un message sur la nécessite du port du préservatif, et nous montrons que son utilisation peut-être être amusante et confortable », explique Tau Morena.

Le réalisateur en herbe prône l’éducation sexuelle, une démarche saluée par les organisations pour la lutte contre le sida comme HIV South Africa. « C’est une bonne idée. Dans le milieu du porno, beaucoup de personnes ne veulent pas voir les risques qu’ils encourent », note Patti Kokkin, membre de l’association.

Pourtant, avec environ 5,7 millions de personnes atteintes du VIH/sida, l’Afrique du sud détient un triste record. Celui du taux d’infections le plus élevé au monde.

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