En Gambie, la campagne a démarré. Le 24 novembre, les électeurs auront le choix entre le sortant, Yahya Jammeh, et les opposants Ousainou Darboe et Hamat Bah.
Fin octobre à Paris, des membres de la communauté gambienne de France manifestaient devant leur ambassade en appelant à une « révolution électorale souriante ». Il est vrai qu’avec le temps de nombreux Gambiens, dont le pays est connu sous le vocable anglais de « smiling coast », ont perdu le sourire. Le jeune lieutenant qui avait renversé Dawda Jawara en 1994 sans effusion de sang et promis de rendre le pouvoir aux civils au bout de deux ans s’est transformé en autocrate mégalomane. L’association Reporters sans frontières, qui le qualifie de « prédateur de la liberté de la presse », le décrit ainsi : « Guérisseur, « médecin » ayant percé le mystère du sida, de l’obésité et de l’érection, Yahya Jammeh a tout du dictateur délirant, imprévisible et violent. Il a promis de couper la tête aux homosexuels pour nettoyer la société gambienne. Paranoïaque, il se dit prêt à tuer quiconque chercherait à déstabiliser le pays, en premier lieu les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes. »
Ancienne colonie britannique marquée par l’omniprésence de la police et des services de renseignement, la Gambie végète dans les profondeurs du classement de l’indice de développement humain (IDH) établi par les Nations Unies. Paradis touristique, cette bande étroite d’un peu plus de 10.000 km2 lovée dans la gueule du lion sénégalais ne séduit que les amateurs de sable fin et de poudre blanche. Le pays est en effet considéré depuis plusieurs années comme une plaque tournante de la cocaïne dans la région et comme une lessiveuse d’argent sale. En 2008, c’est là que Bubo Na Tchuto, chef d’état-major de la marine bissau-guinéenne accusé de tentative de coup d’Etat et placé sur la liste noire américaine des narcotrafiquants, avait trouvé refuge.
La Gambie et son chef d’Etat naviguent en eaux troubles. Soupçonnée par le Sénégal de soutenir le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), elle entretient des rapports difficiles avec son voisin. Depuis le 31 octobre dernier et la découverte à Lagos de treize conteneurs bourrés d’armes dans un bateau en provenance d’Iran et à destination de Kanilai, le village natal du président gambien, les relations entre les deux pays se sont encore détériorées.
Une élection sans suspens
C’est dans ce contexte que le 24 novembre près de 800.000 Gambiens sont appelés aux urnes pour un scrutin à un seul tour. Au pouvoir depuis 17 ans, Yahya Jammeh fait figure de grandissime favori. Ce jeudi, la Commission électorale indépendante (CEI) a validé les dossiers de trois candidats. Le sortant sera ainsi opposé à Ousainou Darboe du parti démocratique uni (UDP, principale formation de l’opposition) et à Hamat Bah soutenu par le Front uni. Cette coalition est composée de quatre partis de l’opposition : le Parti de la réconciliation nationale (NRP), le Parti pour la démocratie et le progrès de la Gambie (GPDP), l’Alliance nationale pour la démocratie et le développement (NADD) et l’Organisation démocratique pour l’indépendance et le socialisme (PDOIS). Comme en 2006, lors des dernières élections présidentielles, l’opposition n’a pas réussi à s’entendre sur un candidat unique et part en rang dispersés.
Opposant historique, l’avocat Ousainou Darboe, 63 ans, se présentera pour la quatrième fois devant les électeurs gambiens. Éternel second, le chef de l’United democratic party (UDP) avait obtenu 27% des suffrages en 2006. Ses discussions avec Hamat Bah et les responsables du Front uni n’ont pu aboutir. Ce dernier, instituteur et homme d’affaires de 51 ans, patron du National Reconciliation party (NRP), a été désigné comme le candidat du Front uni au début du mois et concourra pour la troisième fois.
Yahya Jammeh, chef de l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC), a régulièrement affirmé être sûr de sa victoire, en estimant ne même pas avoir besoin de mener campagne.?Peu après la validation de sa candidature, il a mis en garde contre tout trouble dans son pays. « Ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire pendant et après la présidentielle n’arrivera pas ici, a-t-il prévenu, parce que la Gambie est un pays pacifique, et je ne tolèrerai aucune forme de violence, quoi qu’il arrive. »