Le PMU français est commercialisé dans quatorze pays africains. Le profil des parieurs hippiques y est hétéroclite mais tous souhaitent gagner le gros lot. La plupart prennent garde de jouer en fonction de leurs moyens.
Faîtes vos jeux ! Le Pari mutuel urbain (PMU) français est présent dans quatorze pays africains [[<1>Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Centre Afrique, Congo Brazzaville, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Conakry, Madagascar, Mali, Niger, Sénégal et Togo]]. Le concept a été exporté dans les années 80 sur le continent noir où les courses de chevaux n’existent pas. Les Africains gèrent les centres de paris, les joueurs ont les yeux tournés vers les hippodromes français de Longchamp, Vincennes, Boulogne ou Enghien. Toutes les couches sociales se laissent gagner par la passion du jeu. Difficile toutefois de chiffrer avec exactitude le nombre de joueurs. « En moyenne, nous recevons 150 000 bordereaux par course. Mais il faut bien garder en mémoire qu’un parieur peut jouer plusieurs fois dans une même journée. Ce qui fausse les données », explique t-on à la Loterie nationale de Côte d’Ivoire (LONACI).
Tous dans le même bateau
Beaucoup de joueurs ont déjà fait un séjour en France, au cours duquel ils se sont familiarisés avec le PMU. Revenus dans leur pays, ils conservent leur habitude. Toutes les couches de la société espèrent réaliser leurs rêves en se laissant tenter par le pari minimal de 200 FCFA. « Ambassadeurs, cadres et commerçants jouent aux côtés des étudiants qui veulent décrocher la cagnotte pour financer leurs études. Les femmes, qui trouvaient le PMU trop compliqué, jouent de plus en plus pour gagner de quoi ‘faire bouillir la marmite’. Les retraités espèrent remporter de quoi couler des jours heureux », explique Daniel Bourgoin, responsable Afrique pour le PMU en France. Tous recherchent la même sensation : la montée d’adrénaline qui saisit le parieur pendant la course. A l’image de Joachim. Il joue depuis les débuts du PMU au Burkina, en 1990. « J’aime regarder les courses à la télévision, faire des pronostics, comparer les chevaux…», explique-t-il. Joueur assidu, il a remporté plusieurs grosses sommes d’argent. « J’ai déjà gagné 150 000 FCFA en une seule mise ».
La religion n’est pas un frein à la pratique des jeux d’argent. En 1987, le Sénégal, pays à forte population musulmane, se posait en pionnier. Aucun problème n’a fait irruption. Même constat en Côte d’Ivoire. « Les musulmans jouent comme les autres habitants de confession différente », souligne la LONACI
La tête sur les épaules
Le PMU se fait tantôt ciment social, tantôt marteau -piqueur. A une époque, Rasmané, un Burkinabé de 30 ans, a beaucoup parié. Aujourd’hui, ce jeu ne l’intéresse plus. Il n’a jamais gagné le moindre sou. L’autre raison qu’il invoque est tout aussi valable. « Je ne veux pas devenir dépendant et dépenser tout mon argent aux courses. Imaginez que certains vont même jusqu’à hypothéquer leurs biens pour jouer ! ». Et de raconter cette anecdote : « Un homme était parti parier l’argent qui devait servir à nourrir ses enfants. A cette nouvelle, sa femme seule à travailler dans le couple, est partie furieuse récupérer son bien ». Inversement, des femmes prennent l’argent du foyer, avec le risque de provoquer une dispute conjugale. « De tels cas sont rares. Les populations dépensent en général en fonction de la grosseur de leur portefeuille », commente Daniel Bourgoin.
Preuve que les parieurs sont en général responsables : ils jouent moins en temps de crise. « Avec les troubles que connaît la Côte d’Ivoire, nous avons enregistré des pertes en janvier et février. Nous avons dû fermer les agences de Korhogo et Bouaké. Dans les cinq autres succursales, la fréquentation a été plutôt stable », explique la LONACI.
Au PMU, il y a des gagnants et des perdants. Comme dans tous les jeux. Mais les courses de chevaux sont peut être les seules à faire reculer l’analphabétisme. « J’ai constaté dans beaucoup de pays que certaines personnes ont décidé d’apprendre à lire et à écrire pour parier. Ils étaient très frustrés de voir leurs amis lire les journaux sans difficulté, alors qu’eux étaient toujours obligés d’en demander le contenu », se souvient Bourgoin. D’autres pays seraient intéressés par les retombées du PMU. Les paris sont ouverts pour connaître lesquels.