La prolifération des sectes que connaît le Cameroun ces derniers temps ne laisse pas indifférents les hommes d’église, pour qui le phénomène traduit l’incapacité des uns et des autres à faire face aux difficultés de la vie. Selon un responsable du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, qui a requis l’anonymat, seules 80 congrégations, ont reçu du gouvernement des autorisations de fonctionnement.
« Mais seulement, au vu du rythme avec lequel les nouvelles églises dites réveillées s’implantent, on est en droit de penser que l’on peut recenser environ deux cents églises au Cameroun. T. Pierre, un père jésuite de l’Eglise catholique, a le sentiment que la prolifération des sectes dans le pays découle du laxisme des pouvoirs publics dans leurs missions de contrôle de tout mouvement religieux illégal qui s’installe dans le pays.
Pour lui, la prolifération des sectes est la preuve que les populations, en quête de foi nouvelle et lasses de suivre le même rituel religieux, veulent expérimenter les autres méthodes pour atteindre Dieu.
Il pense que les Chrétiens sont restés indifférents aux réformes apportées par l’exhortation apostolique post-synodale « Ecclesia in Africa », initiée par le pape Jean-Paul II en 1995, qui a pourtant introduit des innovations dans la célébration des cultes.
une majorité de femmes
« Dans la rue, on n’est plus surpris de voir les membres de l’Eglise du christianisme céleste, par exemple, tout de blanc vêtus et pied nus, vaquer à leurs occupations quotidiennes sans se soucier des provocations des passants », reconnaît-t-il.
« Je crois en Jésus, c’est pour cela que je ne m’occupe pas de ce que pensent les êtres humains dont la plupart sont l’incarnation du diable », indique Marlyse T., une ancienne fidèle catholique, aujourd’hui membre de l’Eglise du combat spirituel.
Le sociologue Pierre-Marie Kamdem estime que les Camerounais qui s’adonnent aux nouvelles églises sont ceux qui veulent verser dans la facilité, parce qu’ils croient qu’en priant ou en se soumettant à certaines pratiques telles que le jeûne à sec pendant des jours, l’élimination des produits carnés de leur alimentation et le port obligatoire des foulards chez les femmes, ils iront droit au Paradis.
« Ce que les adeptes de ces nouvelles églises, dont la plupart sont des femmes, ne semblent pas comprendre, c’est qu’ils sont manipulés et contribuent de ce fait à l’enrichissement du gourou qui mène une vie de noble pendant que leurs propres familles vivent dans la misère totale », ajoute-t-il.
De nombreux cas de viols
Il cite, pour le déplorer, le cas de sa cousine âgée de 27 ans, nouvellement arrivée à la Sainte église de Dieu qui, bien que versant les deux tiers de son salaire à son pasteur, avait été torturée, ligotée, battue, puis violée toute une nuit à Douala par ses « frères » sous prétexte de la désenvoûter et lui faire un lavage de cerveau. Les cas comme celui de cette dame, qui sont régulièrement dépouillées, violées, abusées par leur pasteur ou les autres membres de l’Eglise, sont légion dans le pays.
Un correspondant de la Radio-télévision publique (CRTV) dans la province de l’Adamaoua, a rapporté que trois étudiants de l’Université ont été exclus mardi dernier du campus pour pratique de secte.
En fait, il était reproché à ces étudiants, pourtant de religion catholique, d’avoir passé à tabac pendant sept heures d’affilée un camarade pour la débarrasser d’un prétendu serpent qui la possèderait et la maintiendrait toute sa vie dans une incapacité à procréer.
Des enfants victimes
En mai dernier, c’est l’histoire de Joseph Victoire, dernier né de la famille Nko, au quartier Biyem-Assi, à Yaoundé, âgé seulement de deux ans et demi, qui mourrait d’épuisement et de déshydratation pendant que le reste de la famille était hospitalisé, après 33 jours de jeûne imposé par le père, qui a défrayé la chronique.
Des enquêtes menée par la Gendarmerie sur cette affaire, il est ressorti que Nko Ulissé Gallilée, déçu par le gourou d’une église dénommée « Réma » dont il était membre, se faisait régulièrement escroquer par son ancien gourou et a décidé ainsi de fonder sa propre église.
C’est ainsi que, pour trouver l’inspiration divine du nom de l’église qu’il envisageait de créer et d’en être le maître, il a imposé un jeûne de 40 jours à toute sa famille.
Mme Régine Koumou, guérisseuse traditionnelle, confie qu’elle reçoit et essaye de soigner autant que possible des parents dont les enfants développent des crises de folie après avoir adhéré à une église nouvelle.
Quant à Jonas Domnou, pasteur de l’Eglise Evangélique (EEC), il reproche à ces confrères des nouvelles églises d’abuser de la naïveté de fidèles à la recherche d’un bonheur qu’ils n’ont pas trouvé ailleurs, en les détournant du droit chemin quand ils ne font pas d’eux tout simplement leurs esclaves.