Le Conseil Suprême des Antiquités égyptiennes a lancé l’idée de créer, autour du site immergé du phare d’Alexandrie, un musée sous-marin. Selon l’égyptologue et plongeur Jean-Pierre Corteggiani, qui a découvert ce site en 1996, ce projet, à première vue attrayant, semble difficilement réalisable.
Lors de discussions entre égyptologues, l’idée a germé dans l’esprit du directeur du Conseil Suprême des Antiquités égyptiennes, Ibrahim Darwiche, de créer un musée sous-marin sur le site d’immersion du phare d’Alexandrie. Jean-Pierre Corteggiani, plongeur, égyptologue et responsable des relations scientifiques et techniques de l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO) est particulièrement sensible à ce sujet, puisqu’il faisait partie de l’équipe de plongeurs qui, en 1996, a découvert au large du port d’Alexandrie, les vestiges de la septième merveille du monde : le phare. Selon lui, ce projet est aujourd’hui irréalisable, à cause notamment de la mauvaise qualité des eaux. Il se dit cependant favorable à tout projet de vulgarisation intelligente des savoirs égyptiens.
Afrik : Qu’en est-il du projet d’ouverture d’un musée sous-marin sur le site d’immersion du phare d’Alexandrie ?
Jean-Pierre Corteggiani : Ce projet a été évoqué, il est vrai, mais sa réalisation ne peut être envisagée qu’à très long terme. L’idée est, pour l’instant, techniquement utopiste. Beaucoup d’éléments s’opposent aujourd’hui à l’ouverture d’un tel musée.
Afrik : Quels sont précisément ces éléments qui empêchent la réalisation de ce projet ?
Jean-Pierre Corteggiani : Le problème de ce site est tout d’abord la qualité de l’eau. En effet, le lieu actuel d’immersion du phare est proche du port d’Alexandrie. Par conséquent, aux alentours de 11 heures du matin, lorsque le vent souffle du Sud, une sorte de marée marron et nauséabonde se propage sur le site. L’envie de plonger est donc nettement amoindrie, même pour des plongeurs professionnels, alors je doute que des touristes souhaitent descendre dans ces eaux poisseuses. On est bien loin de la transparence de la Mer Rouge. D’autre part, même si l’eau était claire, la ruine n’est pas spectaculaire pour un néophyte. Je veux dire par là que ce n’est qu’un chaos de blocs où l’on ne distingue rien. Lors de notre première plongée, on n’y comprenait rien. C’est à la suite d’une longue observation que nous avons pu trouver dans ce chantier et sous les végétaux, des choses intéressantes. Même sortis de l’eau, ces blocs ne représenteraient que peu d’intérêt pour le touriste lambda. Rien à voir avec un sphinx ou un obélisque.
Afrik : Vous pensez donc que ce site n’est pas propice à ce genre de musée.
Jean-Pierre Corteggiani : En effet, ce n’est sans doute pas le plus esthétiquement attrayant pour le public. D’autres sites, en Italie par exemple seraient plus en adéquation avec l’imaginaire de tout un chacun, avec des colonnes, des mosaïques immergées dans des eaux limpides.
Afrik : Pour en revenir au site d’Alexandrie, y a t-il d’autres problèmes, peut-être de droit qui s’opposeraient à la construction de ce musée ?
Jean-Pierre Corteggiani : Il y a effectivement d’autres problèmes. L’un d’entre eux est purement technique. Pour construire une sorte de brise-lame au large d’Alexandrie, la ville a fait immerger environ 200 blocs de béton d’une vingtaine de tonnes chacun. Malheureusement, ces blocs sont allés se poser sur les vestiges du phare. Nous en avons extrait un certain nombre afin de pouvoir remonter quelques éléments de la ruine. Cependant, il en reste encore 125 dans le fonds qui obstruent la vue. Un autre problème me vient à l’esprit, c’est celui du droit de plonger. La zone où se trouve le site est très proche des côtes égyptiennes, c’est donc une zone militaire et de ce fait la plongée y est interdite. Pour notre part, nous avons pu faire des recherches car se sont les Egyptiens eux-mêmes qui nous ont demandé de plonger.
Afrik : Malgré les problèmes particuliers à ce site, êtes vous favorable, sur le principe, à l’ouverture d’un musée sous-marin au grand public ?
Jean-Pierre Corteggiani : Bien sûr, toute ouverture au public est une bonne chose, si elle est faite intelligemment. J’ai toujours été favorable à la vulgarisation. Mais il s’agit de la faire bien et ce n’est pas une tâche aisée.