Le dernier livre du romancier marocain Tahar Ben Jelloun, » Cette aveuglante absence de lumière « , soulève une vive polémique dans les milieux de l’édition, de la presse et de l’opposition marocaine.
Le prix Goncourt 1987, Tahar Ben Jelloun, vient de publier un récit romancé basé sur le témoignage d’un ancien détenu du bagne de Tazmamart. Il est, aujourd’hui, sous les feux nourris de la presse et de l’opposition marocaine. Même le témoin, Aziz Binebine, charge l’auteur de » la prière de l’absent « . Il affirme que ni lui, ni sa famille n’avait demandé à l’écrivain de raconter ses 18 années de bagne. Aziz Binebine remarque que ce travail aurait pu être fait par son frère, écrivain lui-même.
Je n’ai pas bougé le petit doigt
Le journal satirique français » Le Canard enchaîné » a lancé la campagne de presse en faisant remarquer que Tahar Ben Jelloun » qui n’a pas écrit une seule ligne durant les dix-huit ans qu’a duré l’horreur, n’hésite pas aujourd’hui à s’approprier l’histoire des cinquante-huit militaires emmurés dans la pénombre fétide d’une forteresse sans existence légale « . Le Forum marocain pour la vérité et la justice, qui regroupe des anciens prisonniers politiques, a pris le relais en accusant l’auteur de » cette violente absence de lumière » d’avoir observé si longtemps le silence alors que des Marocains militaient, pendant ce temps-là, pour la démocratie. L’écrivain Gilles Perrault a été plus véhément. Il a qualifié l’auteur marocain de lâche.
La gloire et les sales honneurs
Ben Jelloun s’est défendu, sur la radio française, France Inter, en déclarant qu’il n’avait » comme tous les Marocains, pas bougé le petit doigt sous Hassan II « . Il affirme avoir eu peur de parler » comme tous les Marocains « , de peur d’être obligé de s’exiler. Ces explications ont déclenché la colère de Larbi Maaninou, président du Forum marocain pour la vérité et la justice. » Nous ne pouvons pas comprendre qu’un intellectuel se taise devant l’horreur lorsque cette horreur est chez lui et se transforme en donneur de leçons ailleurs dans le monde. Nous ne pouvons pas comprendre non plus que cet intellectuel accepte les honneurs des tortionnaires ( Ben Jelloun a reçu des médailles d’honneur sous Hassan II, Ndlr) alors qu’il sait que des voix l’appellent au secours « , fulmine Larbi Maaninou.
Au même moment, un autre livre sur ce bagne, Tazmamart cellule 10, écrit par un ancien détenu, M. Marzouki, vient d’être publié en France. Nous y reviendrons dans nos prochaines éditions.
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