En 1993, le Niger entre dans l’ère de la libéralisation de l’information avec la fin du monopole d’Etat sur l’espace médiatique. Malgré la domination audiovisuelle de l’organe d’Etat, le pays connaît, depuis cette date, une explosion des titres de presse écrite et un paysage radiophonique en pleine expansion. Grandeurs et (petites) misères du quatrième pouvoir au Niger.
Niamey, correspondance particulière
Les grands bouleversements observés au Niger en matière de liberté d’information et de communication découlent des options de libéralisation politique adoptées à l’issue des travaux de la Conférence nationale en 1991 et des dispositions de la Loi Fondamentale qui en a résulté.
La satisfaction, dans les meilleures conditions possibles et sur l’ensemble du territoire national, des besoins du citoyen en information et en communication y est considérée comme une condition première de l’appropriation réelle de la démocratie politique pluraliste.
La libération du régime médiatique a été également facilitée par les options de libéralisation économique, incitant l’Etat à se retirer des sphères de production de biens et de services au profit, selon les cas, du secteur privé international, national et/ou du secteur communautaire, là où les conditions du marché éprouvent des difficultés objectives à s’appliquer (zones non encore monétarisées, situation de grande pauvreté, communautés vivant dans des espaces excentrées difficilement accessibles).
Libéralisation de l’information
La libéralisation du cadre légal de fonctionnement de l’information et de la communication connaîtra les premières avancées avec les ordonnances de mars 1993 qui ont mis fin au monopole d’Etat sur l’espace médiatique. Une consolidation du système libéral est apparente depuis l’ordonnance mettant en place en 1999 l’Autorité de Régulation multisectorielle compétente en matière de communications et de télécommunication.
Depuis et grâce à l’appui de la FAO, de l’UNICEF et d’autres partenaires au développement, la stratégie nationale en la matière s’est enrichie avec le processus participatif de définition de la Politique Nationale de la Communication pour le développement (PNCD), validée lors de l’atelier national organisé en 2002. Un atelier sous-régional permettra très prochainement de débattre de cette approche avec les représentants des pays de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest).
Presse écrite, explosion de titres
L’abolition en 1993 de l’autorisation préalable avant toute publication et son remplacement par une simple déclaration au parquet du Procureur de la République pour dépôt légal, a permis une rapide explosion des titres, principalement en langue française, des quotidiens, hebdomadaires, mensuels et autres, avec cependant un phénomène de disparition progressive pour des raisons économiques. Aujourd’hui, une quinzaine de publications subsistent et survivent tant bien que mal, dont : Le Sahel, Sahel-Dimanche, Alternative, Le Démocrate, Le Républicain, Le Témoin, Libération, Le Canard Déchaîné, La Roue de l’Histoire, L’opinion, Le Canard Libéré, Tenéré Express, Les Echos du Sahel.
Le média télévisuel nigérien
Ce paysage reste dominé par Télé Sahel, organe d’Etat couvrant la grande majorité du territoire national grâce à un réseau de 13 centres d’émission et de 6 centres de ré-émission. En plus de Télé Sahel, une initiative publique complémentaire de production et de diffusion télévisuelles autonomes en numérique se développe à Niamey, sous le label TAL-TV. Enfin, une télévision privée, TV Ténéré, diffuse avec succès sur la capitale et ses environs.
A noter enfin l’opérateur privé Télé Star, qui donne l’accès dans et autour de la capitale à un bouquet d’une dizaine de chaînes internationales de télévision dont TV5, Canal Horizon, CFI, RTL9, CNN ou Euro News.
La radio, support royal
La radio diffusion constitue au Niger le support royal d’accès à l’information dans un pays dont la population est à majorité analphabète, avec des revenus insuffisants pour s’équiper en télévision ou pour acheter la presse écrite. Le paysage radiophonique est en pleine expansion et reste dominé par la radio nationale : la Voie du Sahel, laquelle, avec ses stations régionales autonomes et ses relais, couvre en langues française et nationales, la majorité du territoire. Comme toutes les entreprises publiques, elle fonctionne dans un environnement hostile et connaît un ensemble de difficultés liées notamment à l’insuffisance des ressources dont elle peut disposer, ne serait-ce que pour payer les salaires sans parler de la nécessité urgente de renouveler ses équipements obsolètes et d’afficher un niveau acceptable de compétitivité et une capacité d’entraînement des radios privées, locales et communautaires.
Les radios privées ont commencé à émettre depuis 1994 avec une concentration à Niamey, où l’on en dénombre une dizaine dont Radio et Musique (R&M), Anfani, Souda, Ténéré FM, Tambara, Saraounia ou Banféry. Certaines de ces stations de radios privées disposent d’antennes dans les principales capitales régionales du pays (Maradi, Zender, Diffa, Taoua). Deux radios privées émettent en dehors de Niamey : radio Fara’a à Gaya et radio Nomade FM à Agades. Contrairement au dépérissement de la presse privée écrite, la radio diffusion privée semble en pleine expansion sans pour autant montrer une certitude quant à la durabilité et ce malgré la disponibilité de certaines d’entre elles à assurer le relais de stations internationales telles la BBC, RFI, la Voix de l’Amérique ou la Voix d’Allemagne.
Radio rurales et communautaires
Plus récemment, depuis la fin de l’année 1999, un réseau de radios rurales communautaires se met en place grâce à l’appui de partenaires au développement dont le PNUD, avec une vingtaine de stations déjà opérationnelles (trois dans chaque régions), dans le cadre d’un programme ambitieux de mise en place d’un réseau de 160 radios FM fonctionnant à l’énergie solaire, avec une approche autogestionnaire (vingt dans chacune des huit régions que compte le pays).
Ces radios, totalement appropriées par les communautés sans aucune intervention extérieure, apolitiques et non confessionnelles et dont le coût unitaire de mise en place et de mise en fonctionnement n’excède pas les 15.000 $ US constituent une approche qui rompt avec les pratiques traditionnelles des projets de développement. Une approche qui ambitionne de donner la voix aux sans voix. Des radios internationales telles FRI, BBC, la Voix de l’Allemagne ou la Voix de l’Amérique, diffusent leurs programmes en français ou en haousa, soit directement en FM à Niamey et dans certaines capitales régionales, soit par l’intermédiaire de relais de radios privées.
Enfin, une dizaine de radios locales sont en cours de mise en place par l’Agence intergouvernementale de la francophonie. Les premières émissions sont attendues en fin d’année 2002 sur les sites suivants : Arlit, Birni-N’Konni, Boboye, Filingué, Guidan-Roumdji, Illéla, Magaria, Maïné-Soroa, Say et Tessaoua.
Djilali Benamrane
Djilali Benamrane est économiste.
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