
Le pape François s’est éteint, un jour pas comme les autres puisque lundi de Pâques. Le souverain pontife longtemps hospitalisé en raison d’une pneumonie n’avait quitté l’hôpital que le 23 mars 2025. Moins d’un mois plus tard, il rend donc l’âme à 7 h 35, à l’âge de 88 ans. À l’heure où les hommages pleuvent de partout dans le monde pour saluer l’homme qu’il fut, Afrik vous propose un point des voyages de François en Afrique pour mettre en relief les relations qu’il a développées avec le continent durant son pontificat.
Depuis le début de son pontificat en 2013, le pape François a accordé une attention particulière au continent africain. À travers plusieurs voyages marquants, il a manifesté une proximité pastorale forte avec les peuples africains et n’a cessé de défendre les causes de la paix, de la justice sociale et de l’environnement. En s’adressant aux fidèles comme aux dirigeants politiques, le souverain pontife a cherché à porter la voix des plus démunis, à encourager le dialogue interreligieux et à réaffirmer l’importance de l’Afrique dans l’Église catholique mondiale.
Des voyages pastoraux et politiques : du Kenya à la Centrafrique
Le premier voyage du pape François en Afrique, en novembre 2015, fut emblématique. Cette tournée l’a conduit au Kenya, en Ouganda et en République centrafricaine. À Nairobi, il a prononcé un vibrant plaidoyer pour l’environnement et contre l’injustice sociale : « Il ne peut y avoir de véritable développement sans une justice sociale qui respecte la création et les droits des plus pauvres », avait souligné le souverain pontife.
Mais c’est en République centrafricaine, pays ravagé par la guerre civile, que le pape pose un geste inédit : il ouvre symboliquement l’Année sainte de la miséricorde non pas à Rome, mais à Bangui, dans une cathédrale encore sous la menace des armes : « Bangui devient aujourd’hui la capitale spirituelle du monde. L’Année sainte de la miséricorde commence ici, en cette terre qui souffre, mais qui espère », avait-il déclaré.
… au Maroc, au Mozambique, à Madagascar, à l’Île Maurice
En mars 2019, le pape revient en Afrique pour se rendre cette fois-ci au Maroc. Reçu par le roi Mohammed VI, le pape François a insisté sur l’importance du dialogue interreligieux, notamment avec l’islam. Il a lancé un appel commun avec le souverain marocain pour préserver Jérusalem comme « patrimoine commun » des trois religions monothéistes : « Nous souhaitons que la Ville sainte conserve son caractère multireligieux, et soit un lieu de rencontre pacifique », a soutenu le chef de l’Église catholique. Ce voyage a également souligné la question migratoire, François appelant à un accueil digne pour les migrants africains : « Ce ne sont pas des chiffres, mais des visages, des histoires, des désirs. Les migrations ne sont pas un danger, elles sont un appel à la solidarité », a lancé le pape.
En septembre de la même année, l’évêque de Rome a repris son bâton de pèlerin, cette fois-ci, pour se tourner vers l’océan Indien. Ce périple l’a conduit au Mozambique, à Madagascar et à l’Île Maurice, a été l’occasion pour François de dénoncer l’exploitation effrénée des ressources naturelles, la corruption et les inégalités. « Il ne peut y avoir de véritable avenir pour une société qui vend son âme à la logique du profit », a insisté le pape. Il a rencontré des populations victimes de catastrophes climatiques, notamment au Mozambique, et a valorisé les initiatives locales de développement durable à Madagascar. Dans ce pays, François déclarait : « L’environnement menacé est le cri des pauvres. On ne peut pas séparer la lutte écologique de la justice sociale ».
… en RDC et au Soudan du Sud
Le dernier voyage du pape sur le continent le conduira en RDC et au Soudan du Sud de janvier à février 2023. Longtemps retardé pour des raisons de santé, ce voyage a marqué les esprits. En RDC, le pape a dénoncé les violences dans l’est du pays et les pillages des ressources naturelles, s’exclamant : « Ô Congo, cesse de te laisser dépouiller ! Cesse de te laisser manipuler par des forces étrangères qui te pillent. Ce pays est riche, mais il ne profite pas à ses enfants », assénant une vérité douloureuse sur cette contradiction majeure de la RDC.
Au Soudan du Sud, pays meurtri par la guerre civile, il a effectué un déplacement historique en compagnie de responsables anglicans et presbytériens, incarnant un appel œcuménique pour la paix. Ici aussi, François n’a pas manqué de lâcher des formules fortes comme celle-ci : « Je suis ici en pèlerin de paix, accompagné par des frères chrétiens. La paix est possible. Elle est urgente. Elle est le nom du vrai progrès ».
Une relation singulière avec l’Afrique
Avec plus de 250 millions de catholiques, le continent africain est l’un des viviers les plus dynamiques du christianisme mondial. Le pape François l’a compris : ses discours insistent sur la vitalité des Églises africaines, la jeunesse de leur clergé, et leur capacité à renouveler le message évangélique. Il y voit une « nouvelle énergie missionnaire » et une promesse d’avenir pour l’Église universelle. Morceaux choisis parmi ses affirmations à ce sujet : « L’Église en Afrique est jeune, vivante, dynamique. Elle est un modèle de foi simple, profonde, joyeuse » ; « L’Afrique n’est pas à la périphérie de l’Église. Elle est au cœur même de sa mission ». Ainsi pour François, l’Afrique est avant tout une terre d’espérance pour l’Église.
Sur un autre plan, le pape François s’inscrit dans la tradition sociale de l’Église catholique en défendant les peuples africains contre l’exploitation, le néocolonialisme économique et les inégalités mondiales. Il dénonce les multinationales qui pillent les ressources, les dirigeants corrompus, mais aussi les politiques migratoires européennes jugées inhumaines, comme évoqué plus haut. On comprend toute la profondeur de cette déclaration : « Il est scandaleux que les richesses de l’Afrique n’enrichissent pas les Africains, mais d’autres continents ». Et également celle de cette autre affirmation qui, en elle seule, passe pour un véritable réquisitoire contre la corruption des dirigeants : « Que les dirigeants se souviennent qu’ils sont les serviteurs de leurs peuples, et non leurs maîtres ». L’Afrique, pour le pape François, n’est pas un problème pour le monde, mais une richesse et une solution.
Dans des pays marqués par la coexistence entre chrétiens et musulmans, François a systématiquement appelé au respect mutuel, à la collaboration et à l’éducation commune. Son approche est pastorale, mais aussi politique : il voit dans l’Afrique un laboratoire du vivre ensemble, où la religion peut être facteur de réconciliation. C’est ce qu’il faut comprendre de cette autre affirmation du pape François : « Les religions ne doivent jamais être instrumentalisées pour la haine. Elles doivent être des ponts, jamais des murs ». En Afrique, le souverain pontife aura été un grand défenseur du dialogue interreligieux pour la culture de la paix.
Au total, les voyages du pape François en Afrique n’ont pas été de simples déplacements diplomatiques ou pastoraux. Ils ont traduit une vision forte : celle d’un continent central pour l’avenir de l’Église et pour l’équilibre du monde. À travers des paroles puissantes et des gestes symboliques, le souverain pontife a voulu redonner espoir aux peuples africains, rappeler leurs droits et valoriser leur foi. Une relation de proximité, de confiance et de respect s’est ainsi nouée entre François et l’Afrique, que l’histoire retiendra comme l’un des axes majeurs de son pontificat.
Mais on n’oubliera pas que les relations entre le souverain pontife et le clergé africain n’ont pas toujours été linéaires. En effet, la publication, le 18 décembre 2023 de la déclaration Fiducia supplicans qui autorise la bénédiction des couples homosexuels a suscité des réactions hostiles de la part de nombreux prélats africains. Durant plusieurs jours, les condamnations ont fusé de partout sur le continent, presque aucune conférence épiscopale n’étant prête à appliquer ce qu’ordonnait la déclaration papale. Sur ce sujet encore François était en avance.