Le Programme alimentaire mondial (Pam) vient d’assurer l’Ethiopie contre la sécheresse auprès du réassureur français Axa Ré. Ce contrat, signé entre l’organisation humanitaire et l’entreprise, constitue une véritable révolution dans la gestion des crises alimentaires sur le continent. Notamment celles, qui comme dans le cas de l’Ethiopie, sont liées à une menace prédictible : le facteur météorologique.
Comment utiliser les outils du marché financier pour mieux gérer les crises alimentaires et sauver des millions de vies humaines en Afrique ? Le Programme alimentaire mondial (Pam) vient de trouver une réponse à cette problématique en signant, au profit de l’Ethiopie, un contrat d’assurance pilote avec le réassureur français Axa Ré. Une première dans l’histoire de la gestion des crises humanitaires. Grâce à ce contrat, le Pam se donne les moyens d’intervenir à temps pour aider les Ethiopiens, dont la majorité vit de l’agriculture, en cas d’extrême sècheresse durant la campagne agricole 2006 qui se termine en octobre.
Une avance sur fonds
« La baisse de la pluviométrie crée un problème météorologique – la sècheresse – qui nuit aux récoltes. C’est alors que le gouvernement lance un appel et il nous appartient de trouver les fonds nécessaires pour y répondre. Notre mission est de sauver des vies, mais nous arrivons souvent trop tard du fait de la durée de ce processus. Ce contrat nous servira par conséquent à avoir, d’une part, un accès automatique à des fonds d’urgence. Et d’autre part, à transférer ses fonds aux sinistrés qui bénéficient ainsi d’un filet de sécurité, explique Ulrich Hess, le ‘chief of business risk planning’ du Pam. Aussi, s’il s’avère que la sécheresse est inévitable au mois d’octobre, nous pourrons donner des liquidités aux victimes dès novembre afin de leur éviter de vendre tous leurs biens pour se nourrir.» L’argent versé fonctionnerait donc comme « une sécurité sociale, une assurance chômage » pour des personnes qui, parce que trop démunies, ne peuvent accéder au service financier qu’est l’assurance. Ce qui n’est pas le cas dans les pays riches.
Le contrat, de type dérivé climatique, signé entre le Pam et Axa Ré, appartient à la famille des produits d’assurance liés à un index, ici à un index pluviométrique. Sa mise en œuvre dépend ainsi des données pluviométriques fournies par 26 stations météorologiques présentes sur le territoire éthiopien. Le sinistre sera effectif si les chiffres recueillis, entre mars et octobre 2006, « indiquent que la quantité de pluie tombée est significativement en dessous des moyennes historiques, entraînant une perte généralisée des récoltes », indique un communiqué de presse. Auquel cas, le Pam devrait recevoir jusqu’à 7 millions de dollars pour une prime de 930 000 dollars versée à Axa Ré par deux de ses donateurs dont les Etats-Unis. Si ce contrat pilote est concluant, il devrait être étendu, selon le responsable du Pam, à Madagascar – il porterait sur les ouragans et la sècheresse – au Malawi et au Mali, des pays également menacés par la sècheresse.
Un instrument financier au service du développement
La transaction qu’a conclue le Pam le 23 décembre dernier, est donc une révolution majeure dans la gestion des crises humanitaires liées à des catastrophes climatiques. On la doit notamment à la croissance du marché de la réassurance dans ce domaine dans les pays émergeants et en voie de développement. Couvrir ce risque climatique est d’autant plus important pour ces derniers que les crises humanitaires constituent un véritable frein à leur croissance. L’agriculture étant bien souvent un pilier de l’activité économique. Résultat : les Etats africains restent piégées dans les cercles vicieux de l’endettement et de la dépendance à l’aide humanitaire. Et leur insolvabilité ne leur permet pas de contracter directement, par exemple, une assurance pluviométrique, à l’instar de l’Inde ou du Mexique où elle existe déjà. Le nouveau filon qu’exploite le Pam est par conséquent une opportunité pour les pays africains, de plus en plus menacés par la sècheresse à cause du réchauffement climatique, de jouir, comme l’Ethiopie, d’instruments financiers pour assurer leur sécurité alimentaire.