Une soixantaine de pays s’est réunie ce jeudi à l’ Élysée à l’initiative du président français Nicolas Sarkozy et du Premier ministre britannique David Cameron pour établir la feuille de route de la nouvelle Libye. L’OTAN estime avoir remporté la bataille militaire, mais le pays, qui doit faire face à de multiples défis, est loin de la sortie de crise.
La nouvelle Libye en marche. Une soixantaine de délégations a participé ce jeudi à la conférence de Paris à l’Élysée sur la Libye organisée par le dirigeant français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique, David Cameroun. L’objectif pour l’Elysée était de « rassembler la communauté internationale derrière les autorités libyennes pour les aider à réussir la reconstruction d’une Libye nouvelle ».
Le CNT, nouveau gouvernement de la Libye
La participation à la conférence signifiait pour ceux qui y étaient présents la reconnaissance du Conseil national de transition (CNT), qui représente désormais le nouveau pouvoir libyen. La Russie l’a reconnu jeudi matin quelques heures avant la réunion comme «autorité du pouvoir». Pékin, qui s’était, comme Moscou, abstenu lors du vote au Conseil de sécurité de la résolution qui a permis l’intervention de l’Otan, a dit attacher «de l’importance à la position et au rôle considérable du CNT pour résoudre la crise».
L’Algérie, quant à elle, a promis qu’elle ferait de même dès qu’il aura formé « un nouveau gouvernement représentatif de toutes les régions du pays ». Alger dont l’attitude envers le régime libyen a été qualifié « d’ambiguë » jeudi par le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, était représentée par son ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci. Ce dernier a tenu a clarifier la position de son pays en déclarant sur Europe1 que « l’ Algérie ne prendra pas parti pour Kadhafi. Jamais, l’hypothèse n’a été examinée chez nous ». L’union africaine, quant à elle, quoique représentée n’était toujours pas prête à reconnaître le CNT. Seul absent notable, l’Afrique du Sud, qui s’est dite mécontente de l’intervention de l’OTAN.
L’organisation de l’aide d’urgence
Les défis qui attendent la nouvelle Libye sont nombreux. La mise en place d’une aide d’urgence était l’un des sujets majeur de cette conférence. La Libye, fragilisée par six mois de conflit doit faire face au manque d’eau potable, d’électricité, et de carburant. Sans compter le problème des déplacés qui n’est pas résolu. Pour faire face à la situation, les besoins les plus urgents seront assurés par le dégel immédiats de 15 milliards de dollars d’avoirs du régime du colonel Kadhafi à l’étranger, dont 1,5 milliard en France, a annoncé au terme de la conférence Nicolas Sarkozy.
Le CNT, représentée par ses deux principaux responsables, Moustapha Abdeljalil et son numéro deux, Mahmoud Jibril, avait souhaité disposer rapidement de 5 milliards de dollars d’avoirs que détient le régime de Mouammar Kadhafi à l’étranger. Le Conseil de sécurité de l’ONU avait permis de débloquer 1,6 milliard de dollars immobilisés en Grande-Bretagne et 1,5 milliard aux États-Unis.
Stabiliser le pays
La mise en place d’institutions démocratiques est l’autre grand défi que la nouvelle Libye devra relever. « Rien ne peut se faire sans la réconciliation et le pardon », a prévenu Nicolas Sarkozy. Une assemblée constituante sera élue dans environ huit mois et des élections présidentielle et législatives seront organisées d’ici 20 mois, a annoncé ce vendredi le représentant en Grande-Bretagne du Conseil national de transition (CNT,) Guma al-Gamaty, sur la radio BBC.
Pour les grandes puissances qui accompagneront cette transition politique, il s’agit d’éviter que le pays subisse le même sort que l’Irak ou l’Afghanistan. L’Union européenne s’est dite prête à aider les nouvelles autorités à former une «police efficace» et «démocratique», a indiqué sa chef de la diplomatie, Catherine Ashton. À la demande du CNT, Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations Unies a proposé l’envoi rapide d’une mission de l’ONU.
Lutter contre l’extrémisme
Ce soutien politique et financier a une contrepartie. La secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, a demandé aux dirigeants de la «Libye nouvelle» de «combattre l’extrémisme», faisant référence à certains dirigeants rebelles, jugés proches des islamistes ou d’Al-Qaida. «Les nouvelles autorités libyennes vont devoir travailler avec nous pour s’assurer que les stocks d’armes de Kadhafi ne deviennent pas une menace pour les voisins de la Libye et le monde », a-t-elle affirmé.
Le pays reste en effet très instable et la fin des combats se fait toujours attendre. Selon l’Elysée, «le sort des armes ne peut plus s’inverser, mais la force de nuisance des pro-Kadhafi, les snipers notamment, reste importante».
L’OTAN poursuivra ses frappes «tant que cela sera nécessaire», a averti David Cameron. En effet Mouammar Kadhafi, n’a toujours pas capitulé et a appelé à poursuivre la résistance. « Nous ne nous rendrons pas. Nous ne sommes pas des femmes et nous allons poursuivre le combat », a-t-il indiqué jeudi dans un message audio diffusé sur la chaîne de télévision Arrai, basée à Syrte, sa ville natale. Il a également annoncé le lancement d’une « guérilla » pour combattre les rebelles et « chasser les colonisateurs ». Le chef de son gouvernement , Baghdadi Ali al Mahmoudi, a annoncé quant à lui, jeudi son ralliement au CNT, selon le site Internet reuters.com.
L’enjeu du pétrole libyen
La préparation de l’après-Kadhafi ne date pas de la conférence de Paris. Elle avait été entamée dès les premiers jours de l’intervention militaire, lancée le 19 mars. Le quotidien Libération s’est procuré une lettre datant du 3 avril, dans laquelle le CNT s’engage à attribuer « 35 % du total du pétrole brut libyen aux Français en échange du soutien total et permanent de la France au Conseil », une information démentie par les deux parties concernées jeudi. Selon Libération, « il était de notoriété publique que les pays les plus engagés auprès des insurgés seraient les mieux considérés par le CNT le jour venu ». Le quotidien souligne qu’une « rivalité semblait ainsi s’installer entre la France et l’Italie pour obtenir les marchés de la reconstruction ». Le pétrole libyen représente un enjeu de taille. La Libye est en effet la principale réserve de pétrole d’Afrique et le quatrième producteur du continent. Elle exportait avant la révolte contre le régime de Mouammar Kadhafi 80 % de son or noir vers l’Europe.
Aucun des pays qui détient des intérêts économiques en Libye ne semble vouloir être laissé pour compte. Le CNT a assuré mardi que le pays allait remettre en état de nombreux puits pétroliers dans les prochains jours, mais que les exportations brut ne reprendraient que progressivement. Il a aussi indiqué que le prochain gouvernement respectera les contrats passés. Le Brésil s’est dit rassuré de cet engagement du CNT à continuer d’honorer les contrats avec ses grandes entreprises, comme Odebrecht qui construit l’aéroport de Tripoli, ou le pétrolier Petrobras. La Chine a également exprimé son souhait de poursuivre ses affaires, notamment dans le pétrole. Les compagnies françaises, comme Alstom, Alcatel et Vinci, déjà présentes, devraient aussi profiter des projets de la nouvelle Libye. Une nouvelle Libye en marche, mais bien loin de la sortie de crise.