Les droits de propriété constituent un frein au développement de plusieurs pays africains car sans droits fonciers sécurisés, il ne peut y avoir de développement durable. Souvent les droits fonciers ne sont pas bien définis, ce qui alimente des conflits fonciers. Conscients de l’impact négatif de ces conflits, l’Ouganda a initié un projet de recherche et d’action sur les liens entre la justice formelle et l’injustice informelle afin de déterminer quelle place accorder au système traditionnel de résolution de conflits. Dans cet article, Tumusiime K. Deo, agent de communications, secrétariat de l’Uganda Land Alliance, nous fait découvrir les grandes lignes du projet. Il montre comment les autorités traditionnelles pourraient jouer un rôle majeur dans la résolution des conflits fonciers et désengorger ainsi les tribunaux traditionnels. Cela plaide pour une complémentarité entre les institutions formelles et les institutions informelle de la justice.
Dans un effort pour contrer l’escalade des conflits fonciers dans le pays, l’Alliance Foncière de l’Ouganda (‘Uganda Land Alliance ou ULA) a lancé une étude de recherche-action sur les liens entre les systèmes de décision de justice formels (les conseils locaux et les magistrats) et les systèmes de décisions de justice informels (systèmes de justice foncière traditionnelle), initialement dans les districts d’Apac, Amuru et Katakwi. Le projet, qui devrait être étendu à d’autres districts en Ouganda et financé par l’Agence danoise de développement international (DANIDA), se base sur la loi de 1998 sur la propriété foncière, qui autorise le recours aux systèmes traditionnels dans la résolution de litiges fonciers.
Au moins 100 personnes, y compris les commissaires des districts résidents (Resident Destrict Commissioner), les présidents de conseils locaux de niveau V (Local Coucil V levels), des agents de la sécurité interne des districts (District Internal Security Officers, DISOs), des chefs administratifs (Chief Adminstrative Officer), et l’unité de lutte contre les vols de bétail (Anti-Stock Theft Unit), les chefs religieux, les chefs traditionnels et les aînés ont assisté aux cérémonies de lancement à Apac et Katakwi, et un nombre de personnes égal est prévu dans le district d’Amuru. Les dirigeants ont salué le projet en affirmant que cela réduirait les délais d’attente aux tribunaux des magistrats.
Conformément à la loi de 1998 sur les terres, le régime foncier coutumier instaure plusieurs pratiques qui placent les autorités traditionnelles et les chefs au centre de la plupart des activités liées à la terre. La loi reconnaît ce rôle central joué par les autorités traditionnelles de règlement des différends en précisant que : « Rien dans la présente loi ne saurait entraver ou limiter l’exercice par les autorités traditionnelles de la fonction de résolution de conflits sur le foncier coutumier ou d’agir comme médiateur entre des personnes qui sont en litige sur toute question découlant du régime foncier coutumier ».
Une recherche antérieure menée par la ULA a indiqué que la majorité de la population aux prises avec des litiges fonciers est sceptique à l’égard du système judiciaire officiel, faisant valoir qu’il n’est pas seulement lent et prive ainsi les gens de justice, mais qu’il est sujet à une corruption massive. Au contraire pourtant, beaucoup d’entre eux ont exprimé leur appui sans réserve au système traditionnel en soutenant que les chefs de clan et les Anciens connaissent les périmètres et l’histoire des propriétés foncières dans leur localité.
La ULA a également établi des Centres des droits fonciers (LRCs) actuellement opérationnels à Apac, Kampala, Luweero, Kibaale, Kapchorwa et Mbale. De nouveaux sont en cours de lancement à Amuru, Pader, Katakwi, Moroto et Amuria. Ceux-ci serviront de points de référence rapide au sein des communautés, et offriront, entre autres, de l’aide juridique par le biais de conseils juridiques et sociaux ainsi qu’une Cour de représentation et de règlement alternatif des différends. Le Secrétariat de la ULA a recruté des spécialistes des droits fonciers qui, en plus des activités énumérées ci-dessus, procéderont à la sensibilisation des communautés au sujet des terres et des droits de propriété, et plaideront pour un changement d’attitude, de pratique et de politique au niveau communautaire, et collecteront des données pour informer le conseil juridique et politique au niveau national et international.
Le rôle des terres dans l’économie de l’Ouganda ne peut être sous-estimé. Sans droits fonciers sécurisés, il ne peut y avoir de développement durable, car il y aura peu d’incitation à réaliser des investissements de long terme. La plupart des litiges sont alimentés par un certain nombre de facteurs, qui comprennent : les pressions démographiques, les régimes injustes de propriété foncière, les changements dans la législation foncière, le manque de limites clairement définies, des lois et pratiques coutumières arriérées et discriminatoires, les pratiques liées à l’héritage, les lois statutaires périmées, un marché foncier sous-développé, l’absence d’un système moderne d’information foncière ainsi que le non-accès à l’information sur les terres disponibles.
Les litiges fonciers ont entraîné la destruction de biens et, dans les cas extrêmes, même la perte de vies humaines. Les terres en litige deviennent un no man’s land et ne sont pas disponibles pour une utilisation pendant la durée du conflit, ce qui entraîne la non-productivité d’un élément critique pour la création de richesse. Ainsi, il y a un besoin évident de trouver des moyens efficaces pour régler ou atténuer les conflits fonciers en particulier pour les ménages pauvres.
Tumusiime K. Deo, agent de communications, secrétariat de l’Uganda Land Alliance.
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org