Des mines terrestres posées au hasard, un gouvernement sceptique et un groupe rebelle coupable d’attaques contre des travailleurs humanitaires sont autant d’obstacles à surmonter avant de pouvoir lancer les opérations de secours destinées à aider près de 20 000 personnes touchées par les inondations et les combats dans le nord reculé du pays.
L’aide la plus substantielle envoyée à ce jour aux populations déplacées devait leur être apportée par une coalition d’organisations non-gouvernementales (ONG) locales du nom de SOS Iférouane et par l’ONG médicale française Médecins sans frontières (MSF).
Or, le gouvernement a interdit à MSF d’opérer dans le nord en octobre « pour sa propre sécurité », après que plusieurs de ses véhicules eurent été braqués par le Mouvement nigérien pour la justice (MNJ), un groupe rebelle.
Les six convois dépêchés par SOS Iférouane depuis septembre ont également été interceptés par le MNJ, qui apparemment ne souhaitait pas voir le matériel qu’ils transportaient tomber entre les mains de l’armée, selon certaines sources.
Les craintes
L’armée nigérienne a été déployée dans la région, mais sa présence, loin d’apaiser les craintes des travailleurs humanitaires, les a renforcées. Pour ces derniers, les soldats ne font que créer un degré d’insécurité supplémentaire, s’ajoutant aux rebelles et aux bandits armés et autres trafiquants de drogue qui opèreraient également dans la région.
« Il y a des soldats anarchistes, et de nombreux actes de banditisme et opérations de trafic de drogue ont encore lieu », selon un responsable humanitaire. « Chacun fait ce qu’il veut, l’armée harcèle les populations. L’insécurité est très élevée ».
Autre problème : les mines terrestres posées par le MNJ dans toute la région. Désormais, des explosions se produisent presque chaque jour sur les routes et les sentiers.
Au début du mois de décembre, deux explosions se sont produites au sud d’Agadez, capitale de la région, sur les routes principales qui mènent à Niamey, la capitale, et à Zinder, une ville de l’est du pays – il s’agissait de la première fois que le conflit débordait au sud d’Agadez.
Selon les associations de défense des droits humains qui disposent de contacts dans la région, le MNJ paye les civils jusque 600 dollars pour poser des mines sur les routes ; dès lors, le groupe rebelle ne contrôle pas véritablement la localisation de ces mines.
À ce jour, plusieurs voitures et bus de civils, et début décembre, un convoi militaire qui accompagnait un véhicule du Programme des Nations Unies pour le développement, ont été touchés. Toutes les missions des Nations Unies et des ONG à Agadez sont censées être accompagnées par l’armée.
Sans autorisation
Pour compliquer davantage les opérations de secours potentielles, le gouvernement du Niger nie l’existence de problèmes humanitaires dans cette région reculée, montagneuse et désertique.
« Officiellement, il n’y a pas de déplacés et personne n’a quitté son domicile – tout est comme d’habitude », a déclaré un responsable d’ONG nigérien. « C’est une situation particulièrement complexe parce que ce n’est absolument pas le cas ».
Lorsque les inondations ont frappé le pays en août, le gouvernement s’est engagé à acheminer lui-même de l’aide aux populations touchées par ce qu’il reconnaissait à l’époque comme une situation « très grave ».
« Le gouvernement lui-même n’apporte aucune aide [aux populations], alors pourquoi ne donne-t-il pas l’autorisation aux organisations humanitaires internationales de le faire ? Apparemment, ils ne veulent pas que ces populations reçoivent de l’aide ; c’est la seule explication », a déclaré à IRIN un responsable humanitaire bien placé au Niger.
Quant à Mohamed Ben Omar, porte-parole du gouvernement nigérien, il a refusé d’accéder à la demande d’IRIN, qui souhaitait lui demander si les programmes humanitaires allaient être lancés dans le nord.
Tensions et solutions
Au Niger, l’accès humanitaire a été gravement entravé depuis 2005 ; cette année-là, la publicité autour des programmes de secours humanitaire pour enfants atteints de malnutrition grave avait donné lieu à une animosité entre le gouvernement nigérien, les ONG internationales et certaines agences des Nations Unies opérant dans la région.
Les organisations envisagent désormais la possibilité de mettre en place un pont aérien humanitaire qui relierait Niamey à Agadez et peut-être à Zinder et à Maradi, dans le sud-est reculé du pays.
Quand bien même l’on disposerait d’un pont aérien, les opérations sur le terrain demeureraient difficiles à mener, à moins de parvenir à négocier l’aménagement d’un couloir humanitaire pour se rendre auprès des populations déplacées, ou la mise en place de camps à Agadez ou aux environs.
Photo: Tugela Ridley/IRIN : Commerçant touareg en tenue traditionnelle attendant des clients au marché quotidien des chameaux à Agadez