La police nigériane a interpellé un médecin dans la ville d’Enugu. Celui-ci engrossait des filles âgées de 12 à 17 ans pour ensuite vendre leurs nourrissons. Ce nouveau développement vient remettre sous les feux de l’actualité le trafic d’enfants, qui ne cesse de prendre de l’ampleur au Nigeria.
Dans le tour d’Afrique de l’esclavage des enfants, le Nigeria mérite une mention spéciale. Chaque année, le pays le plus peuplé d’Afrique révèle en effet à la face du monde ses multiples techniques, solidement éprouvées, de trafic des mineurs. Dernière trouvaille en date : engrosser des jeunes filles, pour revendre leurs bébés. Cette pratique telle que le rapporte la BBC est le fait d’un médecin, propriétaire d’une clinique privée dans la ville d’Enugu. Lors d’une descente, la semaine dernière, dans l’établissement de ce docteur très spécial, la police a découvert cinq jeunes filles enceintes. Elles sont âgées de 12 à 17 ans. Interrogé par la police, le suspect a confessé qu’il les avait engrossées, dans le but de revendre leurs bébés à la naissance. Il sera jugé selon la loi fédérale nigériane sur le trafic d’enfant.
Plantation d’enfants
Ce n’est pas la première fois que la ville d’Enugu, cité de 650 000 habitants et capitale de l’Etat du même nom dans le sud-est du Nigéria, défraie la chronique dans le domaine du trafic d’enfant. Déjà en octobre 2008, la police y avait interpellé deux infirmières et le propriétaire d’une clinique privée pour trafic de nourrissons. C’est une jeune fille de 17 ans qui avait alerté les autorités, après s’être échappée du centre hospitalier. Dans la conclusion de leur enquête, les policiers avaient qualifié la clinique de « plantation d’enfants ».
Selon eux, le propriétaire de cet hôpital privé y attirait les jeunes filles enceintes et les y hospitalisait, tout le temps de la gestation. A la naissance du bébé, il se chargeait de trouver un acheteur, à qui il le revendait pour quelques 127 dollars US (environ 15 000 nairas, la monnaie locale). Son business prospérait d’autant plus facilement que les filles étaient souvent consentantes. Elles préféraient se séparer de leurs nourrissons, plutôt que d’affronter le rejet social dû à leur grossesse hors mariage.
Les orphelinats sources de la traite
Trois ans plus tôt, un orphelinat avait été fermé à Lagos, la capitale économique du pays, pour les mêmes motifs. Agée de 46 ans, sa tenancière, qui officiait par ailleurs comme pasteur de son église, avait été mise aux arrêts, en même temps que son époux et sa fille. Elle avait élaboré une stratégie à double détente : d’un côté, elle repérait des jeunes filles enceintes à qui elle proposait de l’aide. De l’autre, elle proposait un bébé à adopter à une femme incapable de procréer naturellement. Les deux parties se retrouvaient hospitalisées dans des cliniques complices.
La future « mère adoptive » devait par exemple simuler un accident, pour justifier son séjour à l’hôpital. Puis, le personnel soignant l’aidait à monter un stratagème pour simuler une grossesse. A la naissance de l’enfant, la femme de Dieu remettait un peu d’argent à sa mère, en lui promettant que son fils serait adopté de « manière officielle ». Celle-ci rentrait dans sa famille sans qu’on puisse soupçonner qu’elle avait été enceinte. De son côté, la cliente déclarait la naissance sous son nom, et payait à l’orphelinat l’équivalent de 1000 dollars américain. Lors de la descente de la police, quatorze filles enceintes et quatre enfants y séjournaient dans l’orphelinat.
Trafic international
La plupart des enfants issus de ces trafics finissent souvent comme esclaves, ou dans des circuits de prostitution. En 2007, la police néerlandaise a démantelé un important réseau de trafic de mineurs en provenance du Nigeria. Treize personnes ont été arrêtées aux Pays-Bas, et six autres à Anvers, Madrid, Dublin, Londres et les Etats-Unis. Tous ont été inculpés de trafic d’enfants, blanchiment d’argent, faux et usage de faux. Ils avaient fait venir du Nigéria plusieurs dizaines de filles mineures voyageant avec de faux passeports, qu’ils destinaient aux réseaux de prostitution. La même année, l’ONG Terre des hommes (TDH) a réussi a libéré, après d’âpres négociations, plusieurs enfants travaillant comme esclaves dans des carrières nigérianes.
Souvent, c’est dans les cales des bateaux que les enfants sont transportés. En Avril 2001, l’Etireno, un bateau Nigérian est intercepté dans le port de Cotonou au Benin.
Il y a à son bord 147 passagers clandestins, dont quelques 23 enfants âgés de 5 à 14 ans mineurs, destinés au trafic international d’enfants. Les enquêtes révèlent alors que plusieurs centaines d’enfants, dont 400 dans les cales d’un seul navire ont été trafiqués dans les mêmes conditions. Un peu comme au temps de la traite des noirs, il y a quelques siècles.
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