Niamey a décidé d’expulser jeudi le directeur général d’Areva au Niger, officiellement accusé de financer les rebelles touaregs du Mouvement des Nigériens pour la justice. Le groupe français s’étonne de cette mesure, mais refuse pour autant de polémiquer. L’interdiction de territoire de Dominique Pin, qui a « surpris » aussi le Quai d’Orsay, se joue sur fond de guerre commerciale pour l’exploitation de l’uranium au Niger.
Au Nord, rien ne va plus selon les autorités nigériennes. Après la rébellion touareg qualifiée de « bandits » par Niamey, c’est au tour du groupe industriel français Areva de faire les frais de la colère du gouvernement. Albadé Abouba, le ministre nigérien de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation a signé le 25 juillet un arrêté d’expulsion du territoire pour le directeur de la filiale nigérienne, Dominique Pin. Une décision qui a « surpris » le Quai d’Orsay, selon son porte-parole Denis Simonneau qui s’exprimait ce vendredi. Areva est accusé de soutenir les rebelles du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ) en conflit ouvert avec Niamey depuis le mois de février. Une opinion relayée par la presse nigérienne depuis plusieurs semaines. Cette décision intervient moins d’un mois après l’expulsion de l’ancien colonel Gilles de Namur, chargé de la sécurité d’Areva au Niger.
Ne pas alimenter la polémique
Interrogé par Afrik, le groupe français a indiqué « déplorer cette situation » affirmant que ces accusations sont sans fondement. Areva pour assurer sa sécurité sur le site d’Imouraren a financé un détachement des Forces nationales (Fnis). « L’argent sur les conseils des autorités a été versé directement aux équipes, mais une partie des hommes a rejoint la rébellion », explique-t-on à Paris. « Nous faisons aussi partie des cibles frappées par les rebelles. Il ne faut pas oublier l’attaque de notre camp au mois d’avril. »
Soucieux de ne pas alimenter la polémique, le groupe français cherche l’apaisement : « Nous sommes victimes d’un climat général tendu, comme l’est également RFI (évincée au mois de juillet de la bande Fm, ndlr). Nous aspirons à ce que les autorités reconnaissent notre bonne foi. Areva est un acteur de longue date au Niger qui participe au développement du pays ». La semaine dernière, Dominique Pin avait annoncé lors d’une conférence de presse un investissement d’un milliard d’euros (700 milliards de francs CFA) pour l’exploitation des mines d’Imouraren.
Des arrières pensées mercantiles
L’expulsion définitive du patron d’Areva au Niger, actuellement en vacances en France, pourrait aussi cacher des arrières pensées plus mercantiles. Toujours très prudente, la direction du groupe refuse d’évoquer cette question : « Le prix de l’uranium est un autre débat dans lequel nous ne voulons pas rentrer. » Partenaire privilégié du gouvernement nigérien il y a encore quelques mois, les Français subissent la concurrence des investisseurs chinois et du géant australien Rio Tinto. Des relations qui auraient aussi pâti du refus du groupe français de communiquer des données géologiques.
L’uranium nigérien est stratégique pour Areva. Avec une production, pour l’année 2006, de 4 000 tonnes sur ses sites d’Arlit et d’Imouraren, il représente plus de la moitié de la production totale du groupe. Nul doute que Areva va tenter d’aplanir au plus vite ce différend, quitte à faire de nouveaux efforts pour séduire Niamey.
Photo : Dominique Pin, directeur général de la filiale d’Areva-Niger