Le gouvernement nigérien conteste la décision d’Orano de suspendre sa production d’uranium, dénonçant un manque de concertation et des tensions croissantes entre les deux parties.
La récente décision du groupe français Orano de suspendre sa production d’uranium au Niger a suscité une vive réaction des autorités nigériennes. La Société du Patrimoine des Mines du Niger (Sopamin), actionnaire minoritaire au sein de la Somaïr – dernier site d’exploitation d’Orano dans le pays – dénonce une décision prise unilatéralement et sans concertation. Le gouvernement nigérien, qui considère l’uranium comme une ressource stratégique, perçoit cette suspension comme une violation des accords et une menace pour son économie. Cet événement met en lumière les tensions croissantes entre Niamey et le groupe français, alors que le Niger cherche à reconfigurer ses relations économiques internationales.
Un différend sans concertation
Dans un communiqué daté du 31 octobre, la Sopamin a exprimé son mécontentement face à la décision d’Orano. La société nigérienne, actionnaire à hauteur de 36,6 % au sein de la Somaïr, affirme ne pas avoir été consultée. Ce manque de communication est qualifié par la Sopamin de « grave », et l’entreprise nigérienne dénonce un « manque de transparence » ainsi qu’une « violation des principes de gouvernance ». Pour le Niger, cette décision unilatérale remet en question les partenariats de longue date entre l’État et les entreprises étrangères exploitant ses ressources naturelles.
Orano invoque des raisons financières et logistiques
Orano justifie sa décision par une dégradation de sa situation financière, aggravée par la perte, en juin dernier, du permis d’exploitation du gisement d’Imouraren – l’un des plus importants au monde. De plus, les restrictions imposées par le Niger, notamment la fermeture de la frontière avec le Bénin, complique les exportations d’uranium. Orano a même proposé des alternatives pour acheminer l’uranium vers la France ou la Namibie, mais sans réponse positive des autorités nigériennes. Ce contexte de blocage a conduit Orano à maintenir la production à la Somaïr, estimant ne plus pouvoir continuer à exploiter le site sans perspectives viables de rentabilité.
Les stocks d’uranium bloqués : un enjeu financier de taille
Actuellement, près de 1 050 tonnes d’uranium, d’une valeur estimée à 300 millions d’euros, restent bloquées sur le site de la Somaïr. Pour le Niger, ces stocks représentent non seulement une perte de revenus substantielle mais aussi une menace pour la stabilité de son secteur minier. Le gouvernement nigérien a décidé de racheter 210 tonnes de ces stocks via la Sopamin, dans le mais de maintenir l’activité de la Somaïr et d’éviter une paralysie complète du site. Cette décision pourrait toutefois être insuffisante pour relancer durablement la production si les autres obstacles ne sont pas relevés.
Une volonté de reprendre le contrôle des ressources nationales
Depuis le coup d’État de juillet 2023, la junte militaire au pouvoir au Niger a exprimé son désir de redéfinir les règles d’exploitation des ressources naturelles par les compagnies étrangères. Les autorités nigérianes ont déjà pris des mesures pour diversifier leurs partenaires, s’ouvrant à des acteurs comme la Russie et l’Iran, et ont annoncé la création d’une nouvelle société d’État, la Timersoi National Uranium Company (TNUC). Cette société devrait être chargée de gérer les futures exploitations d’uranium, marquant ainsi un tournant vers une plus grande autonomie du Niger dans la gestion de son sous-sol.