Le Niger échange ses dettes contre des terres


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Les autorités nigériennes ont décidé de mettre un terme au problème des arriérés de salaires des fonctionnaires dans le pays. Depuis deux ans, elles proposent d’attribuer à leurs créditeurs une parcelle de terrain en guise de compensation. Des terres récupérées au prix d’une expropriation des propriétaires coutumiers, essentiellement des exploitants agricoles.

L’Etat nigérien paye ses dettes en nature. Pour régler ses 41 milliards de F CFA (13,8 millions d’euros) d’arriérés de salaire auprès des fonctionnaires du pays, il propose, depuis deux ans, de leur attribuer un lopin de terre en guise de compensation. Les terres distribuées sont récupérées au terme d’expropriations légales et au détriment des propriétaires coutumiers, de petits exploitants agricoles.

 » Face à la morosité économique, la fonction publique avait accumulé une importante quantité d’arriérés de salaire qu’elle ne pouvait pas éponger. Nous avons négocié avec les centrales syndicales pour arriver à un accord et entériner un programme de compensation des arriérés de salaires par attribution de parcelles ou par apurement des frais de loyer des villas en location vente (en juillet 2000, ndlr) », explique Zouma Salifou, conseiller du Premier ministre et membre de la Commission d’attribution des logements et des parcelles.

Près de 16 000 demandes

Sur les 40 000 fonctionnaires dans le pays, près de 16 000 avaient effectué une demande de parcelle ou de compensation des loyers. A la mi-septembre 2002, l’Etat a déjà octroyé 14 200 parcelles de 200 à 600 mètres carrés, soit l’équivalent financier d’environ 9 milliards de F CFA. Le cumul total des apurements, quant à lui, s’élève aujourd’hui à 248 millions de F CFA. Tous les bénéficiaires n’ont pas encore pu prendre possession de leurs terres, encore occupées par des cultures agricoles. La viabilité des parcelles ne pourra s’effectuer qu’après la récolte. Il faudra alors effectuer les différents relevés topologiques et l’immatriculation des terrains avant de les céder définitivement.

Pour disposer de la manne foncière nécessaire au programme, l’Etat saisit les terrains en zones péri-urbaines par expropriation.  » Comme dans un cas normal de développement de l’urbanisme, nous nous basons sur des textes de lois pour récupèrer des terres déclarées d’utilité publique. En contrepartie, nous laissons aux propriétaires coutumiers 25% de la surface du terrain saisi ou 25% de la valeur financière de leurs terres.  »

Fronde des exploitants

Pour Zouma Salifou,  » Il n’existe pas de polémique avec les exploitants « . Une appréciation que ne partage pas Amadou Ousmane, le secrétaire général de la Fédération des coopératives maraîchères du Niger (qui regroupe près de 14 800 exploitants et propriétaires).  » Nous ne cautionnerons jamais ce genre de choses. On ne peut pas parler de sécurité alimentaire dans le pays et prendre les terres cultivables pour en faire du béton « .

Hors de la fédération, un comité de propriétaires fonciers s’est formé pour mener des négociations avec l’Etat. Il réclame une contrepartie financière de 50% au lieu des 25% établis.  » Mais même à 100%, cela ne règle pas le problème « , s’emporte Amadou Ousmane. Il déplore, par ailleurs, qu’une partie des fonctionnaires se livre déjà à la spéculation et revende ses parcelles sans même jamais y avoir mis les pieds.  » Certains d’entre eux ont déjà vendu leur terre, avant d’avoir leur attestation de propriété « . Même si l’Etat a le droit de son côté, les exploitants ne comptent pas rester les bras croisés et manifestent de plus en plus ouvertement leur mécontentement et leurs inquiétudes.

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