Le Niger brise les chaînes


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Cent cinquante-trois ans que l’esclavage a été aboli mais il court toujours au Niger. Plus pour longtemps, espérons-le. Les chefs traditionnels nigériens se sont fermement engagés à plaider pour l’éradication du travail forcé et des pratiques esclavagistes.

Un vent de modernité souffle sur le Niger, de quoi se réjouir. Plus de 200 chefs traditionnels nigériens, des sarki, se sont récemment réunis à Niamey durant trois jours dans le cadre d’une conférence sur le travail forcé. Ils ont pris une importante décision.  » Nous nous engageons à oeuvrer pour l’éradication du travail forcé et des pratiques esclavagistes conformément aux conventions de l’Organisation Internationale du Travail « , voici la déclaration solennelle de l’ACTN, l’Association des Chefs Traditionnels du Niger, qui permet d’espérer un changement dans les comportements esclavagistes encore recensés au Niger.

Incontournables chefferies

Cette décision n’a pas été facile. Trois jours de débats houleux et de discussions passionnées pour ce sujet extrêmement sensible. C’est pourquoi le Bureau International du Travail, le BIT, à l’origine de la rencontre, a décidé de convoquer les chefs traditionnels. Dans une société encore totalement sous l’emprise de ceux-ci et compte tenu de leurs poids dans la vie quotidienne, il était indispensable que ces précieux interlocuteurs soient présents à la table qui réunissait des experts du BIT, des représentants du gouvernement et du patronat ainsi que des associations islamiques.

Des chefs venus de partout, même des zones les plus reculées du Niger. De Diffa par exemple, une localité sur les bords du lac Tchad, à quelques 1500 kilomètres de Niamey. Des chefs originaires de toutes les tribus, des haoussa aux touareg. Tous d’accord sur un même point au début de la session de travail : l’esclavage n’existe pas au Niger. Les trois jours n’ont donc pas été de trop pour que les langues se délient ni pour faire prendre conscience à ces chefs tribaux qu’une part de ce qu’ils nomment coutumes ancestrales peut avoir un lien avec cet esclavagisme dont ils nient l’existence.

Prise de conscience

L’ampleur exacte du phénomène au Niger n’est pas établie. Mais plusieurs témoignages d’organisations locales attestent que l’esclavage et des pratiques assimilées existent toujours au Niger. Les pires témoignages de ces phénomènes ont notamment été recensés dans le nord pastoral, majoritairement peuplé par les Touareg et les Arabes. D’ailleurs, les chefs haoussa, en insistant pour se disculper, n’ont pas omis d’accuser clairement les chefs touareg d’entretenir ce phénomène. Petit règlement de compte qui a permis à tous d’arriver à parler de ce qu’ils niaient quelques instants auparavant !

Libératrice parole qui permet d’aboutir à une prise de conscience collective. Les sarki se sont cependant efforcés de s’expliquer et de justifier leurs pratiques auprès du BIT et du gouvernement nigérien. D’abord en ayant recours à un argument culturel : ce qui est appelé esclavage quelque part ne l’est pas forcément ailleurs. C’est d’ailleurs à cause de cela qu’ils n’ont jamais pris conscience du phénomène.  » Nous avons bien des esclaves hérités de nos parents mais je ne savais pas que c’était de l’esclavage. Ce sont des victimes qui ne veulent plus nous quitter « , explique un chef touareg. Ensuite est venu l’argument de la pauvreté comme cause fondamentale.

Ouverture

Les pas, une fois appris, se franchissent vite. C’est ainsi que les chefs tribaux ont fini par s’inquiéter du sort des esclaves une fois affranchis. Ils se sont vus rassurer par les organisateurs du BIT qui leur ont promis des mesures d’accompagnement sociales et économiques pour la sortie de l’esclavage. Les sarki ont également souligné la nécessité de se faire aider dans la diffusion du message de lutte contre l’esclavage, notamment auprès des populations les plus reculées. Et pour cause, le Niger est un immense territoire, vaste de plus de 1,2 million de kilomètres carrés.  » Il n’y a pas de solution miracle : il faut convaincre, car on ne peut pas effacer par une seule conférence ce que des siècles ont gravé dans les esprits « , insiste Jean Pierre Dehlomenie, un expert du BIT.

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