Huit radios rurales ont été créées, en quelques mois, dans les villages les plus pauvres et les plus reculés du Niger. Devant l’engouement de la population, les autorités parient sur la mise en place de 160 radios en 2001. Interview de Djilali Benamrane, vice-président de ce programme.
Chercheur au PNUD, Programme des Nations Unies pour le développement, Djilali Benamrane participe à la réalisation des 160 radios rurales nigériennes. Il préconise de compléter progressivement ce projet par des Centres d’information pour le développement (CID) où seront développées, au bénéfice des populations rurales, des accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, en utilisant les ressources électriques fournies par l’énergie solaire.
Afrik : Comment est née l’idée de ces radios ?
Djilali Benamrane : L’initiative des radios rurales est née l’été 1999. J’effectuais pour le compte du PNUD, accompagné par les représentants du Centre Africain pour la Météorologie et ses applications au développement (ACMAD), une mission à Bankilaré, village situé à 240 km de Niamey et considéré comme l’un des villages les plus pauvres du Niger, avec des cas avérés de famine. Les femmes de Bankilaré ont indiqué que leur plus grande préoccupation était le déficit d’information et de communication. Même les informations de la radio nigérienne ne leur parvenaient pas et si un ou deux notables du village avaient des récepteurs radios sophistiqués, les émissions en langues locales (Tamachek, Songhai, Peulh ou Arabe) étaient quasi inexistantes. Sans argent, sans information, sans communication, elles avaient conscience de vivre le bannissement absolu et lorsque quelqu’un arrivait au village en provenance de Paris, d’Abidjan, de Niameyou tout simplement de Téra, le chef lieu d’arrondissement, c’était la fête parce qu’il ramenait des informations sur ce qui se passait hors du village.
Afrik : Il y a déjà 8 radios : que font-elles exactement ?
Djilali Benamrane : Il y a plutôt quinze radios rurales solaires opérationnelles, réparties sur l’ensemble du territoire nigérien, fonctionnant avec les mêmes équipements et selon la même démarche autogestionnaire d’organisation et de fonctionnement.
Afrik : Vous dites que le Niger mise sur 160 radios en 2001. Pourquoi un tel nombre ?
Djilali Benamrane : Le Niger compte sur la mise en place de 160 unités de radios rurales fonctionnant en réseau sur la période 2001-2002. En plus des quinze radios rurales opérationnelles aujourd’hui, une soixantaine d’associations sont prêtes à recevoir et à faire fonctionner de telles unités. Elles disposent d’un local d’exploitation, ont les statuts légaux d’association, la grille indicative de programmation et l’autorisation d’émettre de l’Observatoire National de la Communication. Le nombre de 160 unités découle du fait qu’il fallait assurer un équilibre inter-régional et programmer 20 radios rurales pour chacune des 8 régions du pays.
Afrik : Comment concrètement allez-vous former le personnel technique et rédactionnel ?
Djilali Benamrane : Les radios fonctionnent à 80% en langues locales et 80 % sur les programmes de développement. Elles sont toutes gérées et animées par les hommes et les femmes du village sans aucune intervention extérieure. Il faut compter sur le génie créateur des populations rurales. Le démarrage des émissions, dès l’installation des équipements, par des populations à grande majorité analphabètes est une preuve avérée. Nous en faisons l’expérience. Le PNUD déploie en complément de cette confiance fondatrice, des efforts de formation dans des programmes ouverts de façon équilibrée aux gestionnaires et animateurs de radios rurales. Les radios publiques et privées apportent aussi un concours bénévole apprécié dans ces efforts de formation.