« Nététou » au Sénégal, « soumbala » en Guinée ou au Mali, « dadawa » ou « iru » au Nigeria, ces appellations désignent un même condiment présent sur tous les marchés ouest-africains.
Ingrédient majeur de la cuisine africaine – au même titre que le nuoc nam en Asie du Sud-Est – le nététou est issu de la transformation des graines des gousses de néré (Parkia spp), une légumineuse arbustive très abondante dans la sous-région.
Traditionnellement élaboré pour un usage domestique, en zone rurale ou urbaine, il devient un produit de rente pour de nombreuses productrices : l’exploitation des produits de cueillette est un élément fondamental de stratégie de diversification de leurs systèmes de production actuellement en crise. Des filières s’organisent à l’échelle régionale avec des exportations de produit brut et de produit fini entre les différents pays.
Les gousses sont cueillies d’avril à juin, écossées et dépulpées. Les graines sont lavées, mises à bouillir pendant 12 à 24 heures, décortiquées (l’ajout de sable dans le mortier facilite le pilage par son action abrasive). Les cotylédons sont lavés, mis à cuire 3 heures, laissés à fermenter 48 à 72 heures, puis salés et partiellement séchés pour allonger la durée de conservation.
C’est la fermentation qui permet le développement des qualités organoleptiques principales du nététou : forte odeur, goût prononcé, couleur brun foncé. Selon les régions, la pâte issue des cotylédons est façonnée de diverses façons : en boulette au Sénégal, en cône au Mali, en petits disques ou pyramides au Nord-Cameroun. Pour accélérer le processus de transformation et obtenir un produit fini plus tendre, les producteurs du sud-ouest du Nigeria y incorporent un sel riche en carbonate de potassium ; les Yoruba du Nigeria, certaines populations du Mali ajoutent des graines broyées d’hibiscus. Certaines femmes enduisent leurs boulettes d’une solution à base de feuilles de baobab séchées pour les rendre plus brillantes.
Cette diversité des produits répond aux attentes des différents groupes de consommateurs, dont les préférences se manifestent notamment selon l’appartenance ethnique, d’où une segmentation des marchés urbains en fonction de l’origine du consommateur. Cette segmentation est cependant peu prononcée à Dakar où le nététou de Casamance occupe 60 % du marché, suivi par le soumbala de Guinée, et dans une très faible proportion par celui du Mali.
Si les différents nététou entrent en compétition les uns les autres, ils sont également concurrencés par des exhausteurs de goût industriels : les fameux « bouillons cubes » bon marché (un cube coûte de 20 à 25 FCFA **)et diffusés sur le marché africain par les grandes firmes agroalimentaires à coup d’importantes actions publicitaires. Tout comme le nététou, ils renferment du glutamate qui relève parfaitement le goût des sauces accompagnant riz, mil, sorgho… Une enquête réalisée à Dakar auprès de 250 consommateurs montre que le netetou reste très populaire et est consommé par toutes les catégories de consommateurs, quel que soit leur revenu. Il est indispensable dans la plupart des plats sénégalais (maafé, domoda…) mais, unanimement, les ménagères lui reprochent la présence d’impuretés (sables,cailloux, restes de coques…) qui obligent un lavage avant utilisation, et les médiocres conditions d’hygiène lors de la préparation et de la vente.
À l’instar de Madame Mariko, à Bamako (Mali), qui a créé l’entreprise UCODALl, des petites unités de fabrication tentent de proposer au consommateur un produit de qualité amélioré, prêt à l’emploi, conditionné dans des sachets plastiques au lieu des habituels papiers de récupération. Mais le surcoût de l’emballage se répercute sur le prix du produit fini (170 FCFA les 100g), qui n’est alors accessible que pour une minorité de la population. Comment mettre sur le marché un produit plus conforme aux attentes des consommateurs urbains tout en maintenant un prix accessible à la majorité de la population ?
Par Nadia Chalabi du site DPH : dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale