Le groupe congolais Ameni Gospel Singers fait figure d’exception dans l’univers des chants religieux. Le quatro de négro spiritual, musique née durant la période de l’esclavage, chante tantôt en anglais, tantôt en lingala, aux rythmes de sonorités africaines très entraînantes, rappelant sans cesse au public que la source de la musique américaine est originaire d’Afrique. Il a de nouveau marqué les esprits lors de sa dernière représentation dans la bibliothèque du Congo, à Paris.
Impossible de mettre la main sur les Ameni Gospel Singers. Dès la fin de leur représentation, dans la bibliothèque du Congo, à Paris, Dorian, Siassia, Mabandas, et Emmanuel, sont sollicités de toute part par le public qui leur adresse sans cesse des messages de félicitations et de remerciements. Leurs prestations ont laissé beaucoup sans voix. « Merci d’avoir partagé ça avec nous ! » « C’était magnifique ! »
Les quatre membres du groupe, originaires du Congo, ont en effet du coffre. Leurs prouesses vocales n’ont laissé personne indifférent. Ils passent avec agilité de voix graves aux plus aigus. Chantant tantôt en lingala, tantôt en anglais. Le tout rythmé par des sonorités africaines très entrainantes. La technique est sans doute la principale force du groupe, où chaque membre joue un rôle très précis. La rigueur est de mise, tout en laissant place à l’improvisation. Et de la même façon que les quatre trentenaires sont tous vêtus de la même manière : pantalon pince noir assorti d’un pull gris et d’une cravate bleu marine, leurs voix, qu’elles soient aigus ou graves, s’imbriquent, s’accordent à la perfection. « Nous sommes toujours élégant pour le public, ont veut lui donner du plaisir, de la joie ! », affirment-ils en cœur.
« On vit de la musique »
Même si les Ameni Gospel Singers passent beaucoup de temps ensemble, ce ne sont pas non plus des siamois. Ils ont chacun leur métier respectif et chantent uniquement par passion, affirme Dorian, le leader du groupe. Ce qui ne les empêche de s’entrainer au moins trois heures par semaine, et d’être très rigoureux. Une rigueur qui débute au Sénégal, pays où né le groupe, même si ces membres sont tous Congolais. « C’est lorsque nous étions étudiants à Dakar que nous avons créé le groupe. Puis peu à peu nous nous sommes dispersés, chacun est parti de son côté. Puis, de nouveaux membres l’ont intégré. La forme actuelle du groupe existe depuis 2011 », explique Dorian.
Si aujourd’hui les quatre chanteurs ont acquis ce très haut niveau, c’est à force de travail acharné. Tous les membres, qui baignent dans la musique depuis l’âge de cinq, sept ans, jouent un instrument. Depuis leur plus jeune âge, chacun d’eux chantait régulièrement dans les chorales à l’église. « On a appris à chanter comme on le fait, en imitant d’autres artistes, en jouant sur l’inspiration », confie Dorian. « Vivre de la musique au quotidien ! », c’est le mot d’ordre du groupe. Ce qui explique sans doute l’authenticité de leurs chants, qui rappellent ceux des esclaves durant la période de l’esclavage. « D’autres nous disent également que notre musique leur rappelle leur enfance au Congo, ce qui signifie que notre objectif est atteint. Nous voulons faire comprendre que ces chants spirituels viennent d’Afrique, leur origine est africaine », renchérit le jeune congolais. Le groupe ne se contente pas d’imiter les chanteurs américains, même s’il chante aussi en anglais. Il tient à affirmer son originalité grâce à ses influences africaines.
Le negro spiritual, première branche de la musique noire
D’ailleurs, « contrairement à ceux que beaucoup pensent, nous ne sommes pas des chanteurs de gospels, mais de négro spiritual », insiste Dorian. Quel est donc la différence entre ces deux types de chants religieux ? « Le négro spiritual est la première branche de musique noire qui a donné naissance au jazz, gospel, R’NB, rap. Le négro spiritual, né durant la période de l’esclavage, est à l’origine de toutes ces branches musicales », explique le leader du groupe. Les noirs à cette époque ne venaient pas des mêmes régions, rappelle-t-il. Certains venaient du golf de Guinée, d’autres de l’Afrique de l’ouest. Le négro spirituel était une façon pour ces peuples issus d’horizons différents de s’évader, de se libérer. Ces chants sacrés représentaient un cri de révolte contre leurs rudes conditions de vies. C’était un code pour eux, une façon de préserver leur culture, après avoir été contraints de quitter leur pays d’origine pour des contrées inconnues.
Quant au gospel, il s’est développé lorsque les noirs ont épousé la culture blanche et commencé à être accepté par la société américaine, selon Dorian. « Dans le gospel, il y a toujours un leader suivi de plusieurs personnes qui font les chœurs. Il ne laisse pas la même place à l’improvisation que le négro spiritual. « A travers notre musique, nous voulons que les gens se ressourcent et comprennent mieux d’où ils viennent. C’est rare de voir un quatro au sein d’une chorale de gospel comme c’est le cas dans le négro spiritual, qui est un message d’élévation et d’union entre les peuples. Ce qui lui donne une dimension spirituelle encore plus importante que le gospel », note le jeune congolais. «Nous avons un devoir de mémoire, affirme-t-il. A travers notre musique, nous voulons que les gens comprennent mieux d’où ils viennent. Nous voulons ramener le négro spiritual à l’échelle africaine. C’est un juste retour aux choses.»
En attendant, le groupe prépare déjà sa tournée en Europe. Il se produira en juin, en Allemagne, Roumanie, Belgique… Il compte aussi aller à la conquête du public africain. La diaspora africaine, elle, qui a eu l’occasion à de multiples reprises d’assister à ses représentations, s’est familiarisée avec lui. En l’espace d’un concert, elle est transportée par ces chants spirituels au cœur de l’Afrique. Un juste retour aux sources.