Ils étaient deux candidats à la candidature de la principale coalition de l’opposition sénégalaise. Ils seront finalement tous les deux candidats à l’élection présidentielle. La guerre des égos entre Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng pourrait coûter cher à l’opposition historique en février prochain.
Tout ça pour ça. Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng, les deux candidats à la candidature de « l’unité et du rassemblement » chère à la coalition Bennoo Siggil Senegaal (BSS), se présenteront chacun de leur côté au scrutin présidentiel de février prochain. Le consensus entre les deux hommes s’avérant impossible, la conférence des leaders de Bennoo s’est résolue ce jeudi soir à voter. Sur les trente-trois partis et organisations conviés à désigner le candidat de Bennoo, dix-neuf ont affirmé leur soutien à Moustapha Niasse, le patron de l’Alliance des forces de progrès (AFP). Quatorze ont préféré s’abstenir. Les partisans du secrétaire général du parti socialiste (PS) ont aussitôt contesté ce vote, effectué en accordant de fait une voix à chaque membre de la coalition quelle que soit son importance alors qu’ils préconisaient de faire voter les élus locaux, un panel selon eux plus représentatif. En quittant le domicile d’Amath Dansokho, où se tenait cette énième réunion dite « de la dernière chance », Ousmane Tanor Dieng a déclaré qu’il refusait de se désister au profit de Niasse et qu’il irait lui aussi aux élections, sous la bannière du PS.
« C’est après de très longs débats que nous avons constaté qu’il n’y a pas eu de désistement d’un candidat au profit de l’autre. À partir de ce moment, il fallait que Bennoo se prononce sur la manière de résoudre cette question », a expliqué à la presse Pape Demba Sy, porte-parole du jour. À l’image d’Amath Dansokho, favorable à Moustapha Niasse, les membres de la coalition se refusent à parler d’un échec et dédramatisent la situation. « C’est Moustapha Niasse qui a été choisi par la majorité de Bennoo. Mais, nous sommes sûrs qu’en allant même séparés nous travaillerons de telle manière que l’esprit de concertation et de convivialité va prévaloir, assure le président d’honneur du Parti de l’indépendance et du travail (PIT). Nous ferons tout pour que toutes les forces convergent. L’esprit unitaire reste, ce sont juste les modalités qui ont changé. » « On n’a pas réussi à avoir un consensus sur un candidat. On a constaté l’existence de fait de deux candidats, observe pour sa part l’écologiste Ali Haïdar, un proche de Tanor. Nous avons refusé de voter parce que, à Bennoo, il n’y a jamais eu de vote. Que vaut la voix de certains petits partis par rapport à d’autres comme le PS ? »
La fin de Bennoo ?
Interrogé plus tard dans la soirée par la Radio Futurs Médias (RFM), Ousmane Tanor Dieng a dénoncé un « coup de force » orchestré par Moustapha Niasse. « Je me considère comme le candidat de l’unité et du rassemblement de Bennoo Siggil Senegaal », a-t-il affirmé avant de poursuivre : « Bennoo Siggil Senegaal n’a pas désigné Moustapha Niasse comme son candidat officiel. La procédure de désignation est illégale. On n’a jamais voté à Bennoo, la plupart de nos décisions se faisaient par consensus. » L’esprit unitaire vanté par Amath Dansokho a du plomb dans l’aile. De son côté, Moustapha Niasse a souhaité écarter « toute polémique » et a affirmé vouloir « se mettre rapidement au travail ».
Ce matin, la presse sénégalaise n’est pas tendre avec l’opposition. « Bennoo se saborde », titre ainsi le Quotidien. « Bennoo ‘’vote’’ Niasse, Tanor prend le ‘’maquis’’ », lui répond Sud Quotidien. Redouté par nombre d’observateurs, le scénario du pire est donc arrivé. L’échec de Bennoo est patent. L’opposition historique partira aux urnes en rangs dispersés le 26 février prochain et pourrait être réduite à jouer les seconds rôles… « Niasse est un leader sans parti, le PS un parti sans leader », confiait une consoeur avant que le verdict ne tombe. Ajouter à cela, une rivalité tenace entre les deux anciens barons socialistes et vous comprendrez pourquoi l’équation était insoluble. Après plusieurs mois de conciliabules, de réunions marathon, de tête-à-tête, de reports et de médiations, dont celle entreprise la semaine dernière par Amadou Makhtar Mbow, ancien directeur général de l’Unesco et président des Assises nationales appelé à la rescousse, rien n’y a fait. Les positions de Tanor et de Niasse étaient inconciliables. Le clash inéluctable. Socialistes et progressistes se disputeront les suffrages des Sénégalais le 26 février prochain. La farce avait assez duré. Les sympathisants de Bennoo ne savent pas s’ils doivent en rire ou en pleurer.
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