Comme à chaque Aïd El Adha, les marchés informels d’ovins pullulent un peu partout à travers les localités et quartiers de la capitale et dans d’autres wilayas sans que les autorités concernées lèvent le petit doigt. Les familles algériennes se retrouvent ainsi contraintes – comme à l’accoutumée – à débourser énormément dans ces « marchés » pour se payer « le bélier ».
La spéculation menace la filière et empêche beaucoup d’Algériens à la bourse modeste de célébrer l’Aïd El Adha selon la tradition. Pourtant, l’Aïd sera encore une fois célébré au moment où le marché des ovins est marqué par une disponibilité importante, rassure le ministère de l’Agriculture et du Développement rural pour qui ce produit est « plus que suffisant » pour répondre aux besoins de cette fête. On estime, au département de M. Barkat, à « plus de 19 millions » de têtes de cheptel, dont près de trois millions sont prêtes à l’abattage pour le sacrifice de l’Aïd El Adha cette année. Cependant, à défaut de réglementation régissant cette profession, la spéculation s’érige en règle. Pis, les autorités locales – du moins dans certaines localités – ne se soucient guère de la prolifération de ces marchés à bestiaux illégaux.
Autre constat : s’il est vrai que dans certains endroits de la capitale des aires réglementées sont dégagées, ce n’est pas le cas pour des dizaines d’autres points de vente, où il est fait fi du contrôle sanitaire et du risque patent lié à ce commerce, celui du kyste hydatique notamment. A ce titre, une circulaire, où il est rappelé que « le kyste hydatique est une parasitose grave transmise à l’homme par l’animal et qu’il constitue une priorité en santé publique vétérinaire », a été transmise il y a plusieurs jours par le ministère de l’Agriculture à l’ensemble des services vétérinaires de toutes les wilayas du pays, selon le Dr Ali Abda, sous-directeur du service vétérinaire au département de M. Barkat. Cela au regard de la gravité de cette maladie et de ses conséquences médicales et financières. Contacté, le Dr Abda profite pour demander à tout citoyen de ne pas acheter le mouton dans les marchés ou points de vente non réglementés et sans contrôle vétérinaire.
Des tarfis prohibitifs
Chaque année, à l’approche du rituel du sacrifice, les tarifs de l’ovin connaissent une brusque flambée. Les prix enregistrent une hausse importante et, en raison de la forte demande en cette période, plusieurs personnes se sont converties en maquignons pour engranger des gains substantiels. Le bénéfice empoché par les maquignons de la vente d’un agneau ou d’un bélier acquis dans les régions steppiques, écoulé dans les villes du Nord comme Alger, varie entre 5000 et 10 000 DA par tête. A titre illustratif, un agneau acheté à Djelfa à 18 000 DA est écoulé dans certains endroits d’Alger à environ 25 000 DA. Dans d’autres lieux, le prix minimum est de 20 000 DA pour un mouton moyen. Les plus costauds se négocient entre 40 000 et 50 000 DA, voire plus. Les enchères sont ouvertes et, au grand dam des petites bourses, aucun contrôle des prix n’est possible. Cette situation est essentiellement due aux dernières pluies qui se sont abattues sur plusieurs régions du pays. L’importante pluviométrie, qui a caractérisé ces derniers jours les régions steppiques, constitue l’un des facteurs de cette hausse. L’éleveur préfère alors laisser son bétail s’engraisser tout le long des parcours steppiques de pâturage. Sur les lieux de vente en gros de bétail, à Djelfa où on fait notre virée, les éleveurs et les maquignons approchés n’hésitent pas à évoquer la hausse des prix des aliments pour bétail pour expliquer cette envolée.
C’est donc, comme chaque année, dans la fièvre des prix du mouton que sera célébrée la fête de l’Aïd El Adha. Pour beaucoup de familles, qui peinent à épargner, c’est une nouvelle fois la saignée, car elles devraient faire face à une autre grande dépense de l’année. Sans que cela soit une obligation religieuse, des ménages devront recourir à l’endettement pour s’acheter un mouton et le sacrifier selon le rituel. La coutume est incontournable. En être exclu est durement vécu par les familles modestes qui préfèrent s’endetter pour y faire face en attendant que leur situation sociale s’améliore ou que les pouvoirs publics mettent la main sur ces trabendistes du cheptel…
Rabah Beldjenna, pour El Watan