A 24 ans, Gérard est déjà quintuple champion de bodybuilding au Cameroun. Le culturiste s’entraîne dur depuis 10 ans pour assouvir son rêve : devenir champion du monde. Phénomène physique, il ne passe pas inaperçu dans les rues de Douala et reste gêné par le regard des gens. Histoire d’une passion. Histoire d’une vie.
Costaud, musclé, balaise, Gérard – dit Passie – est bien plus que cela. Et pour cause : il est culturiste. Pas des moindres puisqu’il est quintuple champion de bodybuilding au Cameroun. A 24 ans, il sculpte son corps depuis 10 ans et se nourrit d’un unique rêve : devenir le numéro un mondial. Ostentation involontaire d’un corps taillé dans le roc, son physique d’extra-terrestre passe rarement inaperçu dans les rues de Douala ou de Yaoundé. Des regards interloqués, flatteurs ou terrifiés qui souvent dérangent.
Gérard n’a que 14 ans quand il découvre le culturisme. Jeune footballeur, il est impressionné par les muscles étonnamment de plus en plus saillants des grands de son quartier. » Je leur ai demandé : mais qu’est que qui vous fait gonfler comme ça ? Ils m’ont répondu qu’ils levaient du fer pour développer leur corps. Ils m’ont invité à venir essayer, ça m’a plu et j’y suis resté. Au début je ne m’entraînais que 2 heures par jour, mais depuis mon premier titre de champion du Cameroun, je suis monté à 6 heures de travail quotidien « , explique-t-il.
Passion controversée
Au départ, ses parents, inquiets, le prennent pour un fou. Pire, sa mère le croit possédé. » Je ramenais des poids à la maison que je posais au pied de mon lit. Pour m’entraîner, la nuit dans ma chambre. Ma mère croyait que je faisais de la sorcellerie, elle a appelé mes grands frères. Mais l’affaire s’est arrangée. » Rassurés que leur fils ne soit pas le jouet du Malin, ses parents n’en demeurent pas moins très critiques quant à ses activités. » Ils me disaient que c’était un sport de bandit, que je me déformais le corps, que j’allais me faire remarquer. Je leur ai fait comprendre que chacun devait suivre sa voie et que j’avais choisi la mienne. »
Ses mensurations hors normes, 52 cm de tour de bras, 70 de tour de cuisse (pour 1m72 et 87,5 kg), ses pectoraux d’acier et sa spectaculaire planche abdominale, font souvent de Passie une bête curieuse. » Il y a des jeunes qui s’enfuient en me voyant, certains adultes me regardent avec stupeur. Il n’est pas rare qu’une personne me suive pour m’observer. Et quand je me retourne, elle fait semblant de ne pas me voir. C’est assez gênant à la fin. Pour éviter cela j’évite de me promène en tricot. Je mets des blousons. » Mais impossible de cacher son corps quand il va à la plage. Il est alors l’objet de tous les regards. Spécialement ceux des filles. » Certaines personnes veulent prendre des photos avec moi, les filles me demandent même si elles peuvent me toucher « , confie-il, tout de même flatté par ces attentions féminines.
1 350 abdominaux par jour
Champion toutes catégories depuis 1997, Passie règne en maître sur le bodybuilding camerounais. Il n’a pour l’heure aucun rival à sa mesure. Pour arriver à ce résultat, une seule recette : de la discipline et une dévotion totale au travail. Sa journée commence à 6 heures du matin par des étirements et du saut à la corde pour s’échauffer. 7h30, l’entraînement commence. Pour terminer à 11h ou midi. Il aura fait plus de 1 350 abdominaux, travaillé ses cuisses avec 265 kg en squat, ses pectoraux avec des charges jusqu’à 165 kg, ses épaules avec 90 kg, ses triceps avec 120. Toutes les parties de son corps y passent. L’après-midi, il travaille une fois de plus le haut de son corps avec 55 kg de charge, » une mise en forme, pour me fatiguer avant d’aller dormir « .
Il sacrifie tout à sa passion. Vivant de ci-de là grâce à des petits boulots, il avoue » avoir du mal à joindre les deux bouts « . La formation en self defense et en garde rapprochée, qu’il a suivi pendant plus de 8 mois, lui permet de travailler régulièrement dans la sécurité et le gardiennage. Mais ses ambitions professionnelles sont irrémédiablement liées au culturisme.
100% naturel, sauf si…
Le bodybuilding au Cameroun est très peu développé. Malgré cela Passie est animé d’une ambition intacte : entrer dans l’élite mondiale et devenir le plus grand. » Mon rêve est d’être champion du monde. Mais je n’ai jamais eu les moyens de sortir du Cameroun pour me mesurer aux meilleurs mondiaux. Ici, je suis limité « , déplore-t-il. Même s’il sait qu’il a encore beaucoup de travail s’il veut rivaliser avec le gotha international, il est décidé à tout faire pour y arriver. Même à avoir recours aux produits miracles.
Passie ne prend aujourd’hui aucune protéine et revendique une musculature 100% naturelle. Pour autant, il avoue qu’il n’hésiterait pas à avoir recours dans une certaine mesure au dopage pour être à arme égale avec les ténors mondiaux. » Je n’ai pas besoin de prendre des produits au Cameroun puisque je suis le meilleur. C’est autre chose sur le plan international. Le dopage est monnaie courante. Et si l’on veut concourir au plus haut niveau, on n’a pas le choix, on est obligé de s’y mettre « , analyse-t-il avec honnêteté et lucidité. A tord ou à raison, la fin justifie les moyens. Et Gérard rêve d’absolu.
Photos :
Passie en plein concours.
Passie en plein concours 2.