Le ministre des Affaires étrangères libyen raille Bernard Kouchner


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Les droits de l’homme ? Une question de « valeurs ». Bernard Kouchner ? « Une personne gentille » qui fait « rigoler ». Le terrorisme ? La Libye en est « une victime ». Le ministre libyen des Affaires étrangères, Abdelrahman Chalgham, a fait ce vendredi sa première sortie médiatique depuis le début de la visite de Mouammar Kadhafi en France. Morceaux choisis de sa conférence de presse.

Le ministre libyen des Affaires étrangères existe. Il a du mal, avec un Mouammar Kadhafi omniprésent et une Fondation du même nom qui se mêle de tout ce qui touche de prêt ou de loin à l’image de la Libye dans le monde, mais il existe. Il s’appelle Abdelrahman Chalgham, et il est aussi décapant que son Guide. Le chef de la diplomatie libyenne a égratigné son homologue français, Bernard Kouchner, ce vendredi, lors d’une conférence de presse organisée avec l’OPA (Organisation de la presse africaine), à Paris. Il a expliqué que les déclarations du ministre français, qui avait jugé « pitoyables » les propos de Mouammar Kadhafi sur les banlieues, le font « rigoler » (traduction simultanée de l’arabe au français), et que son absence lors de cette semaine de visite libyenne en France n’est pas un problème. Il a par ailleurs estimé que les approches française et libyenne sur le règlement de la guerre au Darfour ne sont pas « contradictoires » et redit le caractère « inacceptable » d’une présence militaire américaine en Afrique. Il est également revenu sur la torture que les soignants bulgares disent avoir subi, et dont le chef d’Etat libyen a été accusé devant les tribunaux français, ce jeudi, ainsi que sur le terrorisme.

 A propos de Bernard Kouchner

J’ai rencontré M. Kouchner, j’ai signé avec lui des accords, nous avons discuté de plusieurs sujets. Nous nous étonnons aujourd’hui de ses dernières déclarations. Comment un homme qui nous rend visite, qui mange avec nous, peut-il changer d’avis en arrivant à Paris? Son absence n’a pas eu d’effet négatif sur la visite. S’il ne veut pas nous voir, nous non plus ne voulons pas le voir. C’est une personne gentille, mais je ne peux m’empêcher de rigoler quand je l’entends. On l’a entendu à plusieurs reprises faire une déclaration le matin et se rétracter le soir (…) Nous sommes en visite à l’invitation du président français. Nous avons parlé avec le gouvernement français et l’absence de M. Kouchner ne change rien. C’est une décision personnelle. M. Sarkozy voulait dire que la France et la Libye joueront un rôle ensemble dans la Méditerranée.

 Sur les droits de l’homme

Personne n’a le droit de donner de leçons à la Libye sur ce domaine-là. C’est une question qui a plusieurs interprétations. Nous oeuvrons pour la paix dans plusieurs coins du monde. La Libye a reçu plusieurs milliers d’enfants du Kosovo durant la guerre, c’est le plus grand donateur d’aide aux enfants en Afrique et en Asie… Chaque société a ses propres valeurs. Vous autorisez ici la pratique de l’homosexualité mais vous interdisez en même temps la polygamie… Et vous savez qu’il a beaucoup de pays, et de grands pays, qui pratiquent la peine de mort.

 Sur l’affaire des soignants bulgares

Les accords franco-libyens :

L’affaire des infirmières bulgares est une affaire juridique. Les accords avec la France ont été évoqués avant la libération des infirmières, les discussions ont même débuté avant la venue de Chirac en Libye (novembre 2004). Il n’y a pas de rapport entre les deux questions. Nous n’avons rien demandé à la France et la France ne nous a rien demandé.

La torture :
Il y a actuellement plus de 500 affaires devant les tribunaux libyens pour des individus qui ont abusé de leur pouvoir. Entre 200 et 300 personnes purgent des peines de prison pour abus de pouvoir. Nous défendons nos citoyens et les étrangers qui travaillent chez nous. Quel est l’intérêt de l’Etat libyen, où travaillent plus de 148 nationalités, à torturer cinq pauvres infirmières bulgares. Mon médecin traitant est bulgare. C’est une question de logique.

 Libye et terrorisme

La Libye a été une victime du terrorisme et c’est un pays qui lutte contre le terrorisme. Le mandat d’arrêt lancé contre Ben Laden à Interpol l’a été par la Libye. Quand les Etats-Unis l’ont fait à leur tour, ils l’ont fait dans les mêmes termes que notre mandat. La Libye a aidé des mouvements de libération, notamment les mouvements palestiniens. Nous avons également soutenu la manifestation de Durban contre l’apartheid, aidé les révoltes en Namibie, en ex-Rodhésie, devenu le Zimbabwe… Si ces pays ont recouru au terrorisme, ça n’est pas de la responsabilité de la Libye.

 Sur les points de vue français – qui a organisé un sommet international – et libyen – qui reçoit des discussions régionales – du règlement de la guerre au Darfour

Il n’y a pas de contradiction sur cette question. Actuellement, des négociations sont menées à Syrte sous l’égide de l’ONU et de l’UA. Il y a une commission facilitatrice quadripartite composée de la Libye, de l’Egypte, de l’Erythrée et du Tchad. Des pays africains et de voisinage. Nous pensons que la question du Darfour aurait dû être limitée dès le début aux voisins. Je crois que quatre sommets se sont déroulés en Libye. Le Guide s’est entretenu personnellement avec toutes les couches de la population au Darfour. Le problème est qu’il y a certains marginaux qui sont devenus des forces grâce au conflit et grâce aux medias. Ils sont reçus dans les capitales du monde, d’autres profitent des aides du Haut commissariat aux réfugiés (HCR)… donc la fin de ce conflit n’est pas dans leur intérêt.

 Sur Africom

La présence militaire en Afrique des Etats-Unis est inacceptable. Toute éventuelle présence ne doit pas être décidée de manière bilatérale mais avec l’Union africaine. Actuellement, les terroristes partent du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, de Libye et de Mauritanie pour combattre les Américains en Irak. Si les Américains viennent sur le continent, ce sera une condition propice pour les terroristes de les y attaquer.

 Sur le grand Moyen-Orient rêvé par les Etats-Unis

Je vais vous dire franchement, la question palestinienne a commencé il y a 40 ans, en 1948. Mais elle est toujours chaude, comme si elle avait commencé il y a 24 heures. Il y a actuellement deux Palestine : un Gazaland et un Cisjordaniland. Je crois qu’il y a un désordre dans le déroulement des choses. Tous les problèmes des Arabes ont pour origine leur défense des droits des Palestiniens. Actuellement, des pays instrumentalisent cette question de la Palestine pour régler leurs propres problèmes. La Libye n’en fait pas partie. Les Américains parlent tantôt d’anarchie créatrice, tantôt de démocratie…

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