Le meurtre d’une jeune étudiante par un marocain sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) soulève une vague d’indignation. L’affaire met en lumière les failles du système d’expulsion et relance le débat sur la gestion des étrangers délinquants en France.
Le meurtre brutal de Philippine, une étudiante de 19 ans, dans le Bois de Boulogne à Paris, a secoué la France et ravivé un débat houleux sur la gestion des Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF). Le principal suspect, un ressortissant marocain de 22 ans nommé Taha O., était sous le coup d’une OQTF au moment des faits, soulignant les failles du système actuel. Une brèche que les politiques de tous bords se sont empressés de saisir pour demander un renforcement de la lutte contre l’immigration, grand sujet du nouveau gouvernement de Michel Barnier soutenu par le Rassemblement national de Marine Le Pen.
L’affaire a pris une tournure politique explosive lorsque les détails du passé criminel de Taha O. ont été révélés. Arrivé en France en 2019 avec un visa touristique, il avait été condamné peu après pour le viol d’une étudiante dans le Val-d’Oise. Malgré une peine de sept ans de prison, il a été libéré le 20 juin dernier pour être placé en centre de rétention administrative en vue de son expulsion.
Un système administratif défaillant
Pour Bruno Retailleau, le nouveau ministre de l’Intérieur, c’est un échec flagrant de notre système et il a annoncé « C’est à nous, responsables publics, de refuser la fatalité et de faire évoluer notre arsenal juridique, pour protéger les Français« . Le drame met en lumière la complexité et les lenteurs administratives qui entravent souvent l’exécution des OQTF. Bien qu’une obligation de quitter le territoire ait été prononcée à l’encontre de Taha O. le 18 juin, les complications bureaucratiques ont retardé la procédure. Le laissez-passer consulaire nécessaire à son expulsion n’a été émis par le Maroc que le 4 septembre, soit trois jours après sa libération du centre de rétention sur décision d’un juge des libertés et de la détention. Une situation qui questionne a déclaré le Franco-Marocain Othman Nasrou, nouveau secrétaire d’État à la citoyenneté.
Cette chronologie a suscité l’indignation de nombreux responsables politiques. Comment est-il possible qu’un individu condamné pour viol soit libéré avant que toutes les conditions de son expulsion soient réunies ? C’est la question que se posent la majorité des personnalités politiques. « Le laissez-passer consulaire qu’on devait récupérer auprès des autorités marocaines devait déjà en réalité être récupéré avant même de le libérer ou de le mettre en rétention où les délais, là, sont en fait circonscrits dans le temps » a déclaré le patron du groupe socialiste, olivier Faure.
L’affaire a également relancé le débat sur l’efficacité des assignations à résidence. Taha O. avait cessé de se conformer à son obligation de pointage le 19 septembre, soit la veille du meurtre présumé de Philippine. Il était activement recherché par la police française lorsque le corps de la jeune femme a été découvert.
Vers une réforme de la politique migratoire ?
Le drame a eu des répercussions diplomatiques, mettant en lumière les difficultés de coopération entre la France et certains pays du Maghreb en matière d’expulsion. Une situation qui pourrait compliquer le séjour parisien du Roi Mohammed VI. Désormais, les politiques français appellent à une expulsion systématique des étrangers condamnés dès leur sortie de prison, sans passer par une libération intermédiaire.
L’arrestation de Taha O. en Suisse, trois jours après la découverte du corps de Philippine, n’a fait qu’ajouter à la controverse. Les autorités françaises ont immédiatement demandé son extradition, une procédure qui pourrait cependant prendre plusieurs semaines !
Face à l’émoi suscité par cette affaire, l’affaire Philippine est devenue le symbole du système judiciaire français à bout de souffle dans un contexte migratoire tendu. Alors que la France se prépare à des réformes potentiellement majeures de sa politique d’immigration, le sort tragique de cette jeune étudiante pourrait faire basculer le pays dans une politique de repli sur soi et de pression accentuée.