Les Kenyans ont dû réapprendre à marcher depuis l’entrée en vigueur d’une loi, le 31 janvier dernier, qui oblige les transporteurs à équiper leurs minibus de ralentisseurs de vitesse et de ceintures de sécurité. Seul un cinquième d’entre eux est à ce jour en règle. Et les rares propriétaires de taxis minibus autorisés à rouler se sont dépêchés d’augmenter les prix de leurs courses.
Seize, dix-huit, parfois vingt kilomètres à pied pour aller travailler. C’est le quotidien de milliers de Kenyans, depuis le 31 janvier, date d’entrée en vigueur d’une loi qui oblige les petits transporteurs à équiper leurs minibus d’un dispositif de ralentisseur de vitesse et de ceintures de sécurité. Le gouvernement a pris cette initiative l’année dernière, avec le but affiché de faire baisser le nombre de tués sur la route. Près de 3 000 personnes meurent chaque année dans des accidents de la circulation. La moitié de ces accidents seraient imputables aux matatus, nom donné à ces minibus multicolores aux noms agressifs, qui roulent toute musique hurlante, aux mains de chauffeurs tout juste adultes. Mais sur les 40 000 matatus que compte le Kenya, un peu moins de 7 000 sont en règle, selon Alfred Mutuona, directeur de l’inspection des véhicules motorisés. Les dizaines de milliers de transporteurs hors la loi restant, qui voient les saisis de véhicules non conformes se multiplier depuis le 31 janvier, sont contraint de laisser leur outil de travail au garage.
La loi sur la sécurité les contraint également à peindre leurs minibus d’une seule couleur, en ajoutant une bande jaune, pour les uniformiser et de les distinguer des autres camions. Le personnel devra d’autre part se signaler en portant un uniforme et un badge. En novembre dernier, lors de l’annonce de la loi, les propriétaires de matatus avaient mené une grève de deux jours, sans obtenir la moindre concession du gouvernement. Ils avaient manifesté leur mécontentement de la même manière, en 1999, lorsque les autorités avaient décidé de régulariser le secteur du transport en leur imposant des trajets.
Pénurie de ceintures
La semaine passée, la Haute Cour de Justice de Nairobi a rejeté une demande des transporteurs visant à repousser la date limite de conformation à la loi. « Ces gens ont la manie de tout faire au dernier moment avec l’espoir de voir le ministre [des Transports] faire marche arrière », a commenté le porte-parole du ministère des Transports auprès du quotidien kenyan Daily Nation. Mais le déroulement des événements, depuis le 31 janvier, prouve que John Michuki, le ministre concerné, n’est pas prêt de reculer d’un iota. Il a d’ailleurs indiqué à la BBC que les saisies allaient se poursuivre.
Simon Kimutai, président de l’Association des propriétaires de matatus, estime que le retard pris par les transporteurs pour appliquer la loi est dû au prix des aménagements imposés par le nouveau texte : « près de 800 dollars ». Une ardoise qui pèserait trop lourd sur les comptes des opérateurs. Autre problème, les garages du pays sont frappés par une pénurie de boîtes de vitesses et de ceintures de sécurité, notamment dans le quartier de Ngara, à Nairobi. Le ministre des Transports, qui se verrait dans l’obligation de marquer une pause dans l’application de la loi, a même convoqué les vendeurs du précieux matériel pour obtenir des explications.
Doublement du prix de la course
Dès la publication de la loi, fin 2003, Simon Kimutai avait annoncé que les voyageurs allaient faire les frais de la mise aux normes des véhicules. Ce fut chose faîte dès la formation des premières queues aux arrêts de bus. Selon The Nation, le prix de la course de Embu à Nairobi, chez certains transporteurs, est passée de 150 à 800 schillings. Une femme enceinte se serait même vu réclamer 1 600 schillings, 800 pour elle et 800 pour son bébé à venir ! Sur les autres routes du pays, précise le quotidien kenyan, l’augmentation du prix de la course est passée du simple au double. Ce qui a poussé le président du Transport licensing board à rappeler que « les tarifs pratiqués avant la mise en œuvre de la loi sur la sécurité restent les mêmes » et qu’il « n’y aura pas d’augmentation, pour quelque raison que ce soit ». Le ministre des Transports a lui-même invité les passagers à ne pas payer plus que le prix habituellement pratiqué et à dénoncer les transporteurs qui ont augmenté leurs tarifs.