Au jeu de qui perd gagne, Rabat a une île d’avance sur Madrid. Si les troupes espagnoles ont pu déloger sans tirer un coup de feu les six malheureux soldats marocains de l’îlot du Persil, Leila pour les Marocains, l’affrontement diplomatique risque de tourner à l’avantage du royaume chérifien. Le déploiement de force impressionnant de l’armée ibérique, disproportionné par rapport au conflit, est plus un atout favorable à Rabat qu’à son voisin du nord.
Cette crise est un jeu d’échecs entre Madrid et Rabat. Le gouvernement de José Maria Aznar multiplie les déclarations pour que les deux parties reviennent au statu quo d’il y a 40 ans. En prenant soin de préciser que l’îlot est sous souveraineté espagnole. Avec l’assentiment, sinon la solidarité, de l’Union européenne et de l’OTAN. Le gouvernement d’Abderahmane Youssoufi se dit prêt à toute médiation internationale et au dialogue. En exigeant comme préalable la reconnaissance de l’appartenance de l’îlot de Leila comme territoire marocain. L’enjeu dépasse largement ce caillou de 13,5 hectares situé à 200 mètres de la côte marocaine. Les deux parties savent pertinemment que céder revient à ouvrir un dossier épineux : les frontières coloniales.
A Madrid, on prête à Rabat, à mots de moins en moins diplomatiques, des intentions expansionnistes. En clair, l’îlot ne sert que de prétexte pour remettre en cause la souveraineté espagnole sur les îles chaffarines, Ceuta et Melila. Le Maroc dément mollement ces accusations et préfère placer le débat sur le thème de la colonisation. Pour l’instant, seuls la Ligue arabe et l’Organisation de la conférence islamique (OCI) se sont rangés derrière lui. L’Unité africaine qui a fait du respect des frontières héritées du colonialisme sa principale devise refuse de s’embourber dans ce dossier explosif qui risque d’avoir de dangereuses répercussions dans d’autres régions.