Le Maroc et l’Espagne tentent le compagnonnage


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Drapeau de l'Espagne
Drapeau de l'Espagne

En visite à Madrid, le roi Mohammed VI a jeté les bases d’une relation équitable avec la péninsule ibérique, non plus entre un « pays du Nord » et un « pays du Sud » mais entre deux voisins réunis par leurs intérêts bien compris. Message apparemment reçu.

En diplomatie, les symboles ont souvent valeur de faits. Le faste avec lequel Mohammed VI a été accueilli à Madrid de lundi à ce soir par le gouvernement de José Maria Aznar et par le roi Juan Carlos suffirait à rassurer sur la qualité des relations hispano-marocaines. Juan Carlos et Hassan II s’appelaient « frères », Mohammed VI a appelé le souverain d’Espagne « mon oncle ». Rien de changé de ce (bon) côté-là. La nouveauté était ailleurs, dans la teneur des conversations échangées et des décisions prises.

Mohammed VI s’est rendu en Espagne accompagné de nombreux ministres. Il a parlé de tout. Et il a parlé haut : invité à la table de « son oncle » lundi soir, le souverain alaouite a déploré que « trop souvent, à la moindre tension, c’est la méfiance qui revient et le doute qui s’installe ». Remède proposé : « un contrat de confiance responsable, ambitieux et solide », noué dans « un cadre revu et corrigé de notre coopération et de nos relations. » Des relations adultes, auxquelles le jeune roi a donné un élan fondamental de par sa prestation madrilène et son charisme reconnu.

« En 13 mois, Mohammed VI a ouvert les portes de son pays aux anciens dissidents (…), fait vaciller les carcans politiques, voyagé en terre berbère, mis fin à l’assignation en résidence du cheik Yacine, appuyé de façon décisive le processus de paix au moyen orient et s’est investi personnellement pour introduire un modèle marocain de démocratie », a salué le journaliste espagnol Felipe Sahagun, dans les colonnes du quotidien El Mundo.

Le royaume ibérique est le second fournisseur et le troisième client de son vis-à-vis africain. En retour, la communauté marocaine est la première représentante étrangère dans la péninsule espagnole. De 15 000 en 1990, le nombre de Marocains vivants en Espagne s’élève désormais à plus de 250 000. À cette proximité active, il faut ajouter la volonté maintes fois exprimée, de part et d’autre, de renforcer encore la coopération et les échanges. Pourtant, bien des problèmes restent pendants entre le Maroc et l’Espagne.

Nouveau contexte

Ce sont, en partie, ceux qui peuvent surgir entre un pays relativement vieux et riche d’une part, et d’autre part un pays jeune et relativement pauvre. Mais ce sont, surtout, les habituels contentieux que, parce qu’on est voisins, on traîne plus encore à régler. En début de semaine, on a ainsi redit le parfait désaccord sur la question des enclaves de Ceuta et de Melilla. L’ex-colonie espagnole du Sahara Occidental, annexée au royaume du Maroc depuis 1975 et en attente depuis 1992 d’un hypothétique référendum qui serait organisé par l’Onu, est un autre point sensible. Mais plus un point de blocage ; car l’Espagne, comme le Maroc, ont tous deux résolu d’adopter une stratégie d’appui mutuel afin, chacun de son côté, de renforcer ses positions respectives en Europe et dans le Maghreb.

C’est à l’aune de cette volonté qu’il faut mesurer l’effort espagnol de financer des projets marocains à hauteur de 90 millions de dollars (105,5 millions d’euros). C’est encore sous cet aspect qu’il faut évaluer la prochaine conclusion d’un nouvel accord Maroc – UE autorisant la pêche des flottes européennes (à plus de 90 % espagnoles) dans les eaux marocaines.

Cet accord donnera l’exemple d’un saut qualitatif dans les relations Nord – Sud. En effet, il s’agira d’un accord dit de « seconde génération » : selon ses termes, les chalutiers européens ne paieront plus un simple droit de pêche, mais s’associeront au développement de l’industrie de pêche et des ports marocains.

Un an à peine après son arrivée au pouvoir, Mohammed VI s’affirme comme un chef d’Etat idéalement adapté à ce nouveau contexte : à la fois voyageur de commerce ouvert sur le monde et porte-drapeau d’une identité nationale fièrement assumée.

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