C’en est fini du service militaire obligatoire au Maroc. Sa Majesté Mohammed VI en a ainsi décidé, jeudi dernier, par décret. Le ministre de la Communication, qui a annoncé la nouvelle, a indiqué que « cette décision n’a aucun rapport avec les évènements que connaît le Maroc », faisant référence au démantèlement, en juillet dernier, d’un réseau terroriste impliquant des militaires, des gendarmes et un officier de la Sûreté nationale.
Le service civil marocain n’est plus, lui qui n’était déjà pas beaucoup. Jeudi dernier, le Conseil de gouvernement a adopté un décret-loi émis par Sa Majesté Mohammed VI, chef suprême et chef d’Etat major général des Forces armées royales (Far), mettant fin à la conscription avec « effet immédiat ». Mais la décision n’aura que peu de conséquences sur la vie des citoyens marocains, tant le service militaire n’était pas appliqué de façon stricte, officiellement pour des raisons d’ordre budgétaire. Une loi votée en 1999 par le gouvernement Youssoufi rappelait son caractère obligatoire pour les hommes, et volontaire pour les femmes, de même que l’impossibilité pour une personne incorporable de travailler, dans le secteur public ou privé, sans avoir accompli son devoir. Pour la rendre moins contraignante, la loi faisait passer la durée d’incorporation de 18 à 12 mois. Néanmoins, même après cette date, le défaut de carte militaire est resté beaucoup moins invalidant au Maroc que chez le voisin algérien.
« Dans tout mon entourage, parmi mes frères, mes amis, je n’ai jamais vu personne passer son service, assure Ibrahim. Certains travaillent dans l’administration, ils sont recensés, mais ne l’ont jamais fait. Quand il y a des tensions, notamment avec l’Algérie, l’armée réquisitionne littéralement. Mais sinon, il s’agit essentiellement de personnes attirées par l’armée qui font leur conscription », explique le jeune Marocain âgé de 28 ans et qui apprend même l’existence d’un service obligatoire dans son pays. Seules les personnes âgées de plus de 20 ans, contre 19 avant 1999, et disposant au minimum du 2ème cycle de l’enseignement secondaire, étaient en théorie incorporables. Etaient exemptés de service les soutiens de famille, les personnes jugées « inaptes » et celles ayant des antécédents judiciaires. Quant aux citoyens convoqués hostiles à leur incorporation, ils risquaient une amende de 1 200 dirhams (environ 108 euros) et une peine de prison pouvant aller de 8 jours à un mois ferme.
La lutte anti-terroriste en cause ?
Ce qui étonne aujourd’hui les Marocains est que le ministère de l’Intérieur avait annoncé en mars dernier, en grande pompe, le démarrage de l’opération de recensement des personnes assujetties au service militaire pour l’année 2007. L’Administration de la défense nationale (ADM), qui convoque les réservistes par le biais de la Gendarmerie nationale, selon ses besoins, avait arrêté un contingent de 5 420 appelés pour l’année 2006. Depuis jeudi, seuls les conscrits qui effectuent actuellement leur service militaire resteront soumis à la législation en vigueur.
Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Nabil Benabdellah, s’est empressé jeudi de préciser que « cette décision n’a aucun rapport avec les évènements que connaît le Maroc ». La semaine passée, le ministre de l’Intérieur, Chakib Benmoussa, a annoncé le démantèlement en juillet d’un réseau terroriste qui « comptait annoncer le jihad dans les montagnes du nord marocain, attaquer des cibles sensibles, des intérêts étrangers et des personnalités marocaines (…) Les terroristes présumés arrêtés sont actuellement 52, dont cinq militaires, trois gendarmes et un officier de la Direction générale de la Sûreté nationale », avait-il précisé. Depuis, quatre femmes en fuite ont été arrêtées, dont deux étaient les épouses de pilotes de la compagnie aérienne nationale Royal Air Maroc.
Joint par téléphone, l’Etat major des Far n’a pas souhaité répondre aux questions d’Afrik.com, notamment sur le mode de recrutement qui va désormais être privilégié.