Plus de 10 000 victimes en 2024, dont une proportion croissante de femmes et d’enfants. C’est le terrible bilan que dresse l’Observatoire des Droits Humains de Ca-Minando Fronteras dans son dernier rapport. « L’augmentation observée s’élève à de plus de 58 % par rapport à l’année dernière, avec un total de 10 457 victimes […] Alors que la moyenne était de 18 victimes par jour en 2023, elle passe à 30 personnes en 2024. » Une crise humanitaire qui s’aggrave, particulièrement sur les routes atlantiques, où le Maroc occupe une position centrale.
La vulnérabilité des femmes et des enfants « J’ai perdu mes deux enfants, les seuls que j’avais. J’ai dû fermer leurs yeux et les jeter à la mer. […] Nous avons demandé de l’aide, mais personne n’est venu à notre secours. Nous sommes restés 11 jours en mer. Mes enfants étaient de plus en plus faibles, je leur ai donné ma part de nourriture, mais ils étaient mourants. Ils sont morts dans mes bras. » Ce témoignage glaçant illustre la tragédie qui se joue quotidiennement en mer.
Les femmes qui représentent entre 10 et 20 % des passagers, fuient souvent des situations extrêmes : mariages forcés, violences sexuelles, pauvreté chronique et conflits armés. Leur exode les expose à de nouveaux dangers : exploitation sexuelle, traite humaine et conditions de vie dégradantes dans les pays de transit.
Les enfants, accompagnés ou non, sont particulièrement touchés. Le rapport signale une hausse significative du nombre de mineurs sur ces routes en 2024, notamment via la Mauritanie et le Maroc. Issus de zones de conflit ou de régions affectées par le changement climatique, beaucoup succombent à la faim ou à la soif durant la traversée.
Le Maroc au cœur des enjeux En tant que pays de transit majeur, le Maroc cristallise les tensions entre les politiques d’externalisation des frontières européennes et la protection des droits humains. Les défaillances sont multiples : opérations de sauvetage maritime sous-équipées, manque de coordination entre pays, embarcations en détresse ignorées pendant des jours. Le rapport pointe également des pratiques de criminalisation des migrants : arrestations arbitraires, expulsions vers des zones désertiques et violences.
Vers une refonte des politiques migratoires
Face à cette « nécrofrontière », Ca-Minando Fronteras appelle à des changements urgents :
- Renforcement des moyens de recherche et de sauvetage
- Mise en place de protocoles spécifiques pour les femmes et les enfants
- Abandon de la criminalisation des migrants au profit d’une approche centrée sur les droits humains
Les accords entre l’Union européenne et le Maroc, axés principalement sur le contrôle des flux migratoires, doivent être repensés pour placer la dignité humaine au cœur des priorités. Une nécessité vitale alors que le bilan humain ne cesse de s’alourdir.