Le plus grand maquis d’Abidjan, la Nouvelle Bâche Bleue, a perdu près de 75% de sa clientèle à cause du couvre-feu imposé dans le pays. Une chute d’activité qui profite néanmoins aux restaurateurs de quartier. Interview de Martial N’Guessan, directeur administratif de la Nouvelle Bâche Bleue.
Fini les soirées entre amis ou en amoureux dans les maquis d’Abidjan (restaurants à l’africaine, convivialité comprise). Du moins tant que le couvre-feu de 22 heures, imposé dans la capitale économique ivoirienne sera toujours en vigueur. Conséquence : les grands restaurateurs font grise mine. La Nouvelle Bâche Bleue – l’un des maquis les plus courus de la place et surtout le plus grand de la métropole (532 places) – doit faire face à une hémorragie de sa fréquentation et enregistre une chute d’activité de 75%. Une situation que sont loin de connaître les petits établissements de quartier dont les affaires sont au beau fixe. Martial N’Guessan, directeur administratif de la Nouvelle Bâche Bleue, nous explique les difficultés qu’il rencontre et les modifications observées dans la structure de sa clientèle.
Afrik : Quelles sont les conséquences du couvre-feu pour votre établissement ?
Martial N’Guessan : A cause du couvre-feu, la fréquentation du maquis a baissé de 75%. Notre clientèle principale sort essentiellement la nuit et constitue plus de 70% de notre chiffre d’affaires. Avant la guerre nous tournions avec quarante-huit employés, aujourd’hui nous sommes obligés de travailler avec un effectif réduit de moitié.
Afrik : Quel type de clientèle avez-vous désormais ?
Martial N’Guessan : Il s’agit essentiellement de personnes qui viennent manger à midi. Et ils ont un profil différent de notre clientèle habituelle. A midi, c’est professionnel – dans le sens où les gens viennent se restaurer pendant leur pose déjeuner- alors que le soir c’est plus convivial. Les gens viennent en couple ou entre amis, pas forcément entre collègues. Les personnes du midi ne dépensent pas beaucoup. Une note moyenne pour deux couverts à midi est de 8 000 F CFA alors qu’elle est entre 12 000 et 15 000 F CFA le soir, sans compter le vin.
Afrik : Rencontrez-vous des problèmes d’approvisionnement à cause de la crise ?
Martial N’Guessan : Enormément. Une grande partie de nos produits vient des zones occupées, comme les carpes d’eau douce par exemple que l’on pêche près du barrage de Kossou (centre du pays, ndlr). Résultat : le prix du poisson s’est envolé sur les marchés à Abidjan.Une hausse de l’ordre de 30%. Nous rencontrons également des problèmes d’approvisionnement pour les viandes de brousse, entre autre l’agouti. Nous sommes maintenant obligés d’avoir plusieurs fournisseurs. Enfin nous avons également des difficultés pour la viande de boeuf et de mouton. Elle venait du Burkina. Elle passe maintenant par le Ghana. Mais les coûts de transport sont plus élevés. Ce qui fait que les prix ont augmentés de plus de 40%. Une hausse que nous ne pouvons nous permette de répercuter sur la carte.
Afrik : Est-ce que tous les maquis connaissent les mêmes difficultés que vous ?
Martial N’Guessan : Il y a deux types de maquis, ceux de type buvette et les super maquis, dont la Nouvelle Bâche Bleue fait partie. Les premiers sont plus locaux. Eux n’ont pas de problème de fréquentation. Au contraire, avec le couvre-feu, les personnes rentrent plus tôt chez elles. Et pour faire passer l’ennui, les gens se retrouvent dans les maquis qui sont près de chez eux. Ils sont obligés de rester à proximité de chez eux.
Afrik : Comment voyez-vous l’avenir ?
Martial N’Guessan : Avec la paix on peut tout faire. Actuellement les gens ne font qu’attendre. Ils ont envie de communier, de partager, de se retrouver. Avec le couvre-feu, il n’y a d’onde positive chez personne. Mais si la crise s’arrête, je suis sûr qu’il y aura un boom économique et que la Côte d’Ivoire retrouvera toute sa grandeur et son rayonnement.