La crise s’accentue au Mali. Le pays craint la progression des islamistes qui se sont emparés de Tombouctou. La France a appelé l’ONU à prêter main forte à la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cédéao) qui tente de sortir le pays de l’impasse.
Plus aucun chef d’Etat africain ne peut dormir sur ses deux oreilles. La crise politique au Mali qui s’aggrave de jour en jour fait craindre le pire. Après avoir pris le Nord du pays avec les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), les islamistes d’Ançar Dine se sont emparés de Tombouctou, plantant leur drapeau sur la ville. Tombouctou, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, était auparavant une ancienne cité prospère et la capitale du centre intellectuel islamique. Mais la localité pourrait bien se transformer en champs de bataille. Irina Bokova, présidente de l’Unesco, a fait part de sa préoccupation concernant l’avenir culturel de la ville. Elle a appelé « les autorités maliennes et les factions belligérantes à respecter le patrimoine et les engagements du pays en tant que signataire de la convention de 1972 sur le patrimoine mondial ».
Ançar Dine, dirigée par le Touareg Iyad Ag Ghaly, est désormais le seul maître de Tombouctou. Le groupe a chassé les rebelles du MNLA sans rencontrer de résistance. Trois des principaux chefs d’Aqmi – Abou Zeïd, Mokhtar Belmokhtar et Yahya Abou Al Hammam – sont présents dans la ville à ses côtés, selon El Watan. Ce dernier tente désormais d’asseoir son autorité sur les chefs religieux de Tombouctou. Il a rencontré lundi soir des imams de la ville, où il compte instaurer la charia. Selon le responsable d’une société privée, deux jeunes interpellés par les islamistes pour vol, devraient « subir la dure loi de la charia ». L’objectif d’Ançar Dine est d’instaurer la charia dans tout le Mali grâce à une lutte armée. « D’après ce que j’ai compris, les islamistes veulent conquérir d’autres villes maliennes », a affirmé un responsable local.
L’ONU travaille sur la crise malienne
Un projet qui ne rassure pas les dirigeants qui entretiennent des liens avec le Mali. D’autant que les islamistes d’Ançar Dine bénéficient du soutien d’Aqmi, un allié de taille. A la demande de la France, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni pour examiner la crise. Selon un diplomate américain, les quinze membres devraient adopter une déclaration commune sur la question. « Nous sommes préoccupés par l’importance grandissante prise par Aqmi », a indiqué pour sa part Alain Juppé, le chef de la diplomatie française, qui estime « qu’il est à présent important que le Conseil exprime son soutien aux initiatives de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest ».
La France a également appelé l’ONU à prêter main forte à la communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). L’objectif de la Cédéao est de restaurer l’ordre constitutionnel le plus rapidement possible. Les dirigeants de l’organisation, tous à la tête d’états fragiles, craignent que la crise politique malienne se propage jusqu’à leur pays. La Cédéao, qui s’est réunie lundi à Dakar, a déjà émis des sanctions à l’encontre de la junte au pouvoir dirigée par Amadou Sanogo. Cette dernière a pris « acte de ces sanctions ». Amadou Sanogo, à la tête du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE), créé après le renversement du Président Amadou Toumani Touré, considère que « la priorité de toutes ses actions reste l’intérêt supérieur de la nation malienne et l’urgence du recouvrement de l’intégrité territoriale du pays face à la crise dans la partie Nord ».
Intervention militaire de la Cédéao ?
Pour empêcher la progression des islamistes vers Bamako, la Cédéao a indiqué qu’elle était prête à mobiliser des hommes afin de soutenir l’armée malienne très affaiblie. « Nous avons décidé de la mise en place immédiate de la force d’attente de la Cédéao, en demandant au comité des chefs d’état-major de se réunir dès cette semaine à Abidjan pour voir les modalités d’activation de cette force », a déclaré le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de l’organisation. La Cédéao dispose de 2 000 hommes. Pourra-t-elle préparer l’offensive à temps si elle opte pour l’intervention militaire ? Rien n’est moins sur. Il lui faudrait en effet un mois pour mobiliser ses milices. « D’ici là, il sera déjà trop tard », estime Philippe Hugon, chercheur spécialiste de l’Afrique à l’Iris. Selon lui, « l’intervention militaire n’est pas la solution au Mali. Il faudrait entamer des négociations après la mise en place d’un régime de transition légitime et désigner un médiateur au sein de la Cédéao qui puisse engager des discussions avec les Touaregs ».
Les négociations semblent plus qu’urgentes. La situation va de mal en pis, notamment pour les populations dans le Nord du pays. La junte au pouvoir a dénoncé ce mercredi de « graves violations des droits de l’homme », en particulier des cas de viols à Gao, commis par les rebelles du MNLA et les membres d’Ançar Dine, qui ont pris la ville samedi. Des « femmes et filles y sont enlevées et violées par des hommes armés », a indiqué la junte, pointant également du doigt « la restriction de la liberté aux populations dans les localités de Kidal ». Le Mali n’est pas au bout de ses peines.
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