Les homosexuelles noires habitant dans les townships subissent de graves traumatismes, liés aux agressions verbales et physiques dont elles sont victimes quotidiennement. C’est ce qui ressort d’une étude de deux chercheuses sud-africaines. La première du genre à donner la parole à cette communauté humiliée.
Helena Hewat et Marlene Arndt, deux chercheuses de la Rand Afrikaans University, ont étudié pendant un an la situation des homosexuelles noires sud-africaines. Pour la première fois, cette communauté silencieuse a pu exprimer ses peurs et ses angoisses. Les universitaires ont choisi de suivre seize femmes dans différents townships des banlieues de Johannesburg. Leur document final, baptisé Les expériences du stress et du traumatisme : les lesbiennes noires en Afrique du Sud, parle des violences subies par cette catégorie de femmes.
Battues, humiliées, ostracisées, victimes de viols (souvent collectifs) pour les forcer à » redevenir normales » et » à se comporter en vraies femmes « … les lesbiennes noires ont fini par se stigmatiser elles-mêmes, trouvant la cause de leurs malheurs dans leur orientation sexuelle et acceptant leur sort. Ainsi les témoignages de plusieurs femmes recueillis par les chercheuses montrent à quel point les victimes sont résignées. » En tant que lesbienne, vous êtes une pécheresse. Les femmes sont censées être avec des hommes ». « Dans la culture africaine, l’homosexualité est considérée comme une maladie. » Et pour ce qui concerne les viols : » Je parlais avec un homme qui voulais sortir avec moi, témoigne l’une des femmes. Je lui ai dit que je n’aimais pas les hommes. Il n’a pas compris alors il m’a violée. » » Les hommes qui nous violent veulent nous changer. »
Le règne de la violence
» Les femmes que nous avons rencontrées sont constamment sous l’emprise du stress car elles ne sont pas acceptées au sein de leur propre culture. Il est évident qu’elles vivent dans la peur permanente d’être attaquées et de subir des préjudices « , indique Helene Hewat. Cette dernière a souhaité, avec sa collègue, » rendre visible cette sous-culture jusqu’ici invisible afin que les femmes noires lesbiennes puissent avoir accès à des structures qui peuvent les soutenir « . Des structures comme le Lesbian and Gay Equality Project, basé à Johannesburg. Celui-ci se bat pour assurer l’accès à la justice aux lesbiennes noires victimes de violences et tente de sensibiliser les populations pour enrayer les comportements homophobes.
» Les femmes noires lesbiennes sont confrontées à la violence à la maison, à l’école, dans les lieux d’apprentissage et même dans la rue. Cette violence est autant le fait des membres de leur famille que des autres membres de leur communauté. Pour nombre d’entre elles, la violence fait partie intégrante de leur vie quotidienne. Elle les blesse dans leur chair et dans leur âme et encore plus lorsque celle-ci n’est pas immédiatement visible « , explique Wendy Isaack, avocate du Lesbian and Gay Equality Project.
» Maladie de Blanc «
Cette association explique la victimisation des lesbiennes noires par le fait, tout d’abord, qu’elles soient » femmes avant d’être lesbiennes « . » La femme noire dans ce pays, vit au milieu de la violence. L’histoire de la femme noire en Afrique du Sud n’est faite que de dépendance économique, de manque d’éducation et de respect, de racisme « , regrette Wendy Isaack. » Cette violence que la femme noire rencontre au sein d’institutions comme la police ou la justice, ainsi que dans le secteur de la santé, est aggravée par le fait d’être lesbienne. »
Deuxième fait : l’homosexualité est perçue dans les milieux noirs sud-africains comme » une maladie de Blanc « , notent les chercheuses dans leur rapport. » Les Noirs considèrent le fait d’être homosexuel comme une attaque à la culture africaine et à la tradition. Ce n’est pas chrétien, ce n’est pas africain… » renchérit Wendy Isaack. » Le cas des lesbiennes noires doit donc être appréhendé à travers cette donnée. Car comme dans beaucoup d’autres pays, de nombreux Sud-Africains sont homophobes. »
Contre les crimes racistes
Pour faire évoluer la situation, le Lesbian and Gay Equality Project cherche à faire adopter un arrêté de justice régissant la promotion de l’égalité et la prévention de la discrimination. » Nous espérons aussi faire passer une loi pour punir plus lourdement les personnes coupables de hate crimes (crimes poussés par la haine de l’autre pour son appartenance ethnique, religieuse ou son orientation sexuelle, ndlr). Pour le moment, la justice ne fait pas de différence entre les crimes commis par haine et les autres, à cause de tous les problèmes de racisme, de sexisme, d’homophobie et de xénophobie que connaît le pays. »
Si ce texte est adopté, il constituera sans conteste un premier pas pour combattre la discrimination dont sont victimes les femmes noires en Afrique du Sud. Et plus encore les homosexuelles.
Visiter le site du Lesbian and Gay Equality Project.